La France dans Phoenix, ou le « rêve » auquel personne ne croit.

Day 965, 15:32 Published in France France by Ivan Dusaiks
Afin de rendre ce propos plus clair, je n'ai pas répété tous les principes de realpolitik que je souhaiterais voir triompher en France. Cependant, afin de ne pas être accusé de prendre des raccourcis faciles, vous pourrez vous référer à cet article, pour que soient rendus plus explicites les principes qui sous-tendent mon propos du jour. Cela n'est évidemment pas obligatoire.



Alors que tous les esprits sont concentrés sur la Version 2 d'eRepublik, qui semble obséder tous les canaux officiels ou non de communication, alors même que les joueurs français, pour employer une locution triviale, se barrent en masse comme les rats d'un navire déjà perdu, comme en témoigne la misère de notre presse et son peu de tri sélectif par le vote, un nouveau bal, pour le coup fort amusant, se donne en coulisses.

L'on nous rabâche que notre alliance actuelle, l'Entente, est morte. Que nous sommes seuls, isolés, au milieu du gué, le pantalon baissé face à la charge espagnole survenant sabre au clair... L'on a même tenté de donner un ton un peu officiel à la mort de cette alliance, par une grandiose réunion, rite presque païen d'expiation de nos fautes auprès des dieux de l'Olympe phoenixien, en oubliant le principe véritable de notre adhésion à l'entente. Je veux bien entendu parler de notre liberté d'action diplomatique, de notre inénarrable liberté.

A l'origine, et ce fut là d'ailleurs toute la trame du discours officiel, l'Entente devait fédérer les parias des grandes alliances. Trop faibles, trop haïs, trop pauvres ou trop laids, trop mal situés ou parlant trop Coréen du XIVe siècle, c'était là le slogan répétitif et lassant de l'alliance. Bien entendu, la réalité, et le résultat, en furent tout différents, car loin d'être le grand rassembleur des faibles et des opprimés sous la coupe protectrice de la puissante France, de la vieille Italie, et de la riche Ukraine, l'Entente a d'abord constitué le levier d'évasion des pays qui souhaitaient adopter une position de non-alignement, elle a été le pivot de la fondamentale liberté d'action diplomatique dont tous les membres ont joui à des degrés divers. La France n'a pas fait exception à la règle, et fut peut-être le pays qui en a retiré le plus grand avantage, peut-être parce qu'elle a toujours eu la taille critique pour jouer parmi les grands. En clair, nous étions abrités derrière une vitrine en deçà de laquelle le seul moteur de notre action envers les puissances étrangères était l'expression de volonté du peuple français, par le biais des élections présidentielles. Aujourd'hui, l'on nous pousse à y renoncer.

Et là, je m'interroge. Pas seulement sur ce renoncement à la liberté, mais sur ce pour quoi nous renonçons à notre si précieuse marge de manœuvre. Fréquentant les cercles diplomatiques depuis, comme dirait l'autre, « un certain temps », l'opinion dominante concernant phoenix n'a jamais été très glorieuse. Les russes sont des peaux de vaches égoïstes et mercenaires, que l'on nommerait volontiers du nom vulgaire de la prostitution, si ces colonnes n'étaient pas exemptes de vulgarité, la Hongrie est une espèce d'ego démesuré géant que l'on nomme pays, et qui aime étaler sa grandeur sur le visage des autres avec une obscénité sans bornes et sans frontières, le Brésil est un pays de fainéants attentistes qui ne bougeront que si la victoire est acquise et certaine, et l'Indonésie n'est qu'un ramassis de tricheurs éhontés qui mériterait d'être collectivement bannis du jeu. Et ce n'est pas mon opinion, mais bien celle de la diplomatie française, que j'avoue, à certains égards, toutefois partager. Que la chose se sache.

Nous parlons donc de quitter notre position présente pour une chose en laquelle personne ne croit vraiment parmi nos chères élites, comportement apparemment illogique s'il en est. La raison en est pourtant redoutablement simple ; entrer dans phoenix nous assure une stabilité diplomatique sans égale, autrement dit, l'adhésion se fait d'abord pour l'une des plus vieilles justifications de l'humanité : la flemme. La flemme de devoir négocier ardemment des compromis diplomatiques qui, bien que périlleux, sont pourtant bien plus à notre avantage que lorsque nous étions dans les hautes sphères de PeaceGC, la flemme d'assumer une position qui, pour être instable, nous assure cependant, en n'étant les suiveurs de personne, d'être relativement suivis et demandés, d'être sollicités, d'être écoutés, comme la Hongrie fut contrainte de le faire, de voir enfin notre avis demandé lorsqu'une question nous concerne, faisant de nous plus que les presse-boutons passifs des grands décisionnaires d'une alliance au service des ambitions irrationnelles de quelques pays assis sur la richesse des autres, d'être, finalement, libres et autonomes, comme nous le recommande la raison plutôt que de suivre aveuglément une masse qui, pour avoir l'avantage du nombre, a rarement celui de de la clairvoyance, encore moins celui de l'intelligence.

Alors oui ! La fin proclamée de l'entente nous place dans une position un peu moins confortable, mais qui en définitive, ne change rien à notre place dans l'immonde ; la seule contrainte supplémentaire étant de devoir assumer pleinement notre statut de pays franc-tireur, non aligné et usant de la diplomatie plutôt que de la rarement payée fidélité.

Oui ! La fin annoncée de l'entente nous contraint à être plus créatifs, plus volontaires, plus engagés aussi dans notre détermination à faire prévaloir nos intérêts nationaux, et l'argument de notre immobilisme forcé n'est que celui de ceux qui, drogués par leur flemme et aveuglés par la joie de la paresse intellectuelle, sont incapables d'imaginer que nous puissions fédérer autour de projets ambitieux, dans le cadre d'échange multilatéraux avec nos vieux amis.

Bien entendu, cela requiert un peu plus de travail, et un peu plus d'appétit que celui de transposer les ordres émanant du grand commandement de phoenix en les renommant « application du programme présidentiel », pour le bonheur obligatoire de la population, mais, comme toute chose précieuse, la liberté a un prix, et celui-ci est celui de l'audace, du courage, et du volontarisme dans la quête non limitée de l'accomplissement de notre destinée nationale. Personne n'ira nier notre très relative vulnérabilité, pris entre deux feux à jouer les équilibres, mais personne non plus ne devrait nier le potentiel bien plus grand d'un mot qui a sauvé des vies, des carrières, des destins, et qui s'écrit de trois bêtes lettres, le « non ».

En renonçant au « non », nous renonçons à notre indépendance, celle qui a fait qu'aujourd'hui, nous sommes une entité libre et intègre, libre de défendre ses principes et ses projets, intègre dans notre territoire retrouvé. Tout cela pourquoi ? Pour pas grand chose, mais la facilité est, comme on dit, l'atour de la faiblesse, et il est à craindre que cela ne soit notre nouvelle devise diplomatique, pour le malheur commun. Contre cela, la raison commande de dire non, non parce que nous méritons mieux que de répéter une histoire qui nous a déjà prouvé par avance sa fin immensément tragique, qu'il serait dommageable de revivre à nouveau. Non, parce que l'Histoire doit parfois prendre des voies nouvelles, pour parvenir, un jour, à être un peu moins médiocre que celle de la génération précédente, non enfin parce que si la première erreur de jugement est tout à fait excusable, sa répétition, elle, ne l'est que très rarement.


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