Le pari de l'indépendance nationale

Day 903, 17:25 Published in France France by Ivan Dusaiks

Depuis plusieurs jours déjà, une campagne insidieuse mais active se mène autour de la position diplomatique de la France. Sous couvert d'objectivité, l'on tente de faire gober des couleuvres, lorsque l'on n'expose pas explicitement son parti pris, et c'est d'autant plus regrettable que certains argumentaires relèvent plus de la caricature que du véritable exposé. Je veux bien entendu parler de l'article de mon confrère Orango, paru il y a une semaine environ.

Revenons en donc aux sources du problème. Qu'est-ce que l'indépendance nationale ? Sous cette terminologie gaulienne un peu obscure se cache un ensemble de principes simples, visant à aboutir à un leadership de notre faction, au détriment des velléités de pouvoir des autres. Cela peut sembler brutal, ou par trop ambitieux, mais il s'agit d'un projet politique à très long terme (plusieurs années). Pas d'une œuvre de charité, pas d'une structure de bienfaisance ; soyons le temps de cet article disciples de Machiavel et de Sun Tzu. Pas de fausse morale entre nous, notre pouvoir conditionne notre capacité à remporter la victoire, il compte donc particulièrement. Nous désirons gagner, et à la fin, il n'y a qu'un vainqueur.

L'indépendance nationale, c'est donc d'abord la reconnaissance du principe « mieux vaut être le roi de son village que le second à Rome. » Pas parce que gouverner son village c'est rigolo, mais parce qu'on ambitionne qu'il devienne Rome un jour. C'est malheureux, mais les seconds rôles n'obtiennent que rarement les avantages des premières loges.

C'est ensuite l'application d'un principe simple, l'équilibre des pouvoirs. Savoir se rendre indispensable, participer à toutes les opérations de son alliance, sans négliger d'entretenir des rapports fructueux avec le camp adverse, pour conserver une certaine dose de liberté de mouvement

C'est enfin la reconnaissance que la politique n'est que luttes d'influence, et que les affaires étrangères n'échappent pas à la règle, parce que le jour où de véritables amitiés politiques existeront, les bisounours marcheront sur l'arc-en-ciel. Une faction lutte pour son propre pouvoir, pas pour le bien de l'humanité, même si cela peut la mener à des actions qui semblent désintéressées au premier abord « Les Etats n'ont pas d'amis. Ils n'ont que des intérêts ».

Plus sérieusement, c'est en réalité la doctrine de pays ayant la capacité d'assumer leur part de leadership mondial cherchant à retrouver leur rang et leur place à l'international, bien loin du suivisme et des affirmations grandioses de loyauté qui sont généralement la promesse d'être pris pour des paillassons à la première véritable occasion.

L'on me reproche souvent de rester très théorique, et de ne pas donner d'exemple concret. Je me permettrai donc une petite simulation en fonction des probabilités événementielles que j'estime les plus fortes. N'étant pas infaillible, il est possible que cela ne s'avère pas tout à fait exact, mais j'ose espérer que mon expérience de vieux roublard de la politique m'en gardera autant que faire se peut.

Scénario 1 : La France organise donc un référendum pour rentrer dans phoenix. L'opposition dénonce vivement cet abandon de liberté contre la promesse d'une protection imaginaire, et parvient à raisonner les esprits, mais pas tous, parce que ceux pour qui seul le montant de gold brûlé au cours d'une bataille compte véritablement sont juste inconvertibles. Le score avoisine alors les 55% de pour, 40% de contre, et 5% de blanc. La France présente cela, toute fière, la bouche en cœur, à ses nouveaux alliés, qui se rendent bien compte qu'ils ont un pays qui leur est, si ce n'est hostile, du moins défavorable à hauteur de 40%, et qu'un retournement conjoncturel pourrait parfaitement survenir.

Certains hauts responsables de Phoenix sentent le danger, mais l'adhésion est approuvée, parce que la France a été bien gentille en Hongrie, que le potentiel de dégât peut être un appoint non négligeable... Un appoint, justement, voilà tout ce qui manquait. Le haut commandement est finalement très heureux de pouvoir demander des dégâts dans la bataille X, des renforts urgents chez Y, et même du gold pour sauver Z, mais plutôt réticent à aider un pays divisé qu'il vaut mieux conserver uni par sa faiblesse objective (ce point sera développé plus tard). Nous nous retrouvons dans la situation d'une France sans véritable pouvoir, parce que plutôt exclue au sein de l'alliance – au delà bien entendu de toutes les démonstrations amicales et fortes claques dans le dos entre gens qui se connaissent.

Scénario 2 : La France rentre dans phoenix suite à un vote secret du congrès dont le résultat sera publié officiellement ou non. La situation serait très probablement plus délicate – doux euphémisme pour cette catastrophe ambulante ! -, parce que le déni de démocratie pourrait mobiliser même les plus hésitants, et cela mènerait droit à une véritable guerre civile virtuelle, entre les pro-adhésions et les anti-adhésion, avec une durée de vie pour celle-ci estimée à trois mois, le temps que l'opposition se structure et prenne le pouvoir. N'est pas le PSD qui veut.

Sans doute la plus mauvaise des options, parce que cela serait à terme instaurer une fracture durable entre les dirigeants de phoenix et la France, qui se verrait adossée au règlement de ses problèmes internes et mise en retrait de fait de l'alliance pour une très longue période.

Scénario 3 : La France fait bande à part. Elle aide ses alliés historiques lorsqu'elle est en mesure de le faire, elle prend une part active à certaines campagnes de façon contractuelle, avec pour doctrine officielle le donnant-donnant. Mais la position de la France n'est jamais acquise au cours d'un conflit, et si cela peut bien entendu faire grincer des dents, ou mener à quelques tensions houleuses sur le manque de fiabilité, il n'en reste pas moins qu'elle est dans la position plus confortable de courtisée plutôt que de vassale sur qui l'on sait qu'on peut compter sans s'en soucier le moins du monde. Si les affaires étrangères sont menée de façon habile, et surtout diversifiée, nous pourrions parvenir à jouer sur l'équilibre des pouvoirs, grâce à une politique étrangère ouverte, parce que contrairement à la croyance populaire, nos adversaires ne sont pas des barbares, et peuvent apprécier d'autres rapports que « lol c la guer!! ». Gagner une guerre sans tirer un seul coup de feu, c'est là le rêve de tout bon stratège, et si cette situation est pour ainsi dire exceptionnelle, les armes de la diplomatie sont faites pour être utilisées, parce que non, discuter et négocier, contractualiser, ça n'est pas purement décoratif.

L'on pourra dire aisément que ce troisième scénario présente une version quelque peu idéalisée d'une France qui joue véritablement la carte diplomatique, ce qui a toujours été, semble-t-il, la faiblesse essentielle des grandes nations virtuelles de ce jeu. La guerre, dans ce contexte, n'est plus perçue comme première, mais comme un outil comme un autre des affaires étrangères ; en quelque sorte remise à sa place originelle. Un outil qui sert, mais qui sert des objectifs définis et raisonnés. De façon plus triviale, l'équivalent reviendrait à faire remonter le cerveau de là où le sang afflue en période de rut vers sa place légitime. Le choc risque d'être rude pour certains.

Évidemment, ce n'est pas la voie la plus évidente, ni la plus facile, parce qu'en l'occurrence, la facilité, c'est de sacrifier notre potentiel sur l'autel de la sécurité, parce qu'il est plus confortable d'aller demander à son grand-frère plutôt que de se prendre en main, et il s'agit peut-être le plus grand défi que nous ayons à relever, le plus compliqué, le plus dangereux ; peut-être prendrions nous le risque de tout perdre, mais ce serait pour un gain largement supérieur.

Nous avons de fait un véritable choix à faire dans les mois à venir, choix entre les appels du cœur et ceux de la raison, entre les sollicitations les plus amicales, les grandiloquents appels à la loyauté, qui n'engagent que ceux qui y croient, et la voie plus solitaire, sur laquelle il n'y a pas d'amis, mais des alliés, des partenaires. Le plus grand et le plus fallacieux des arguments en faveur de l'adhésion à cette alliance se tient précisément en ceci que ses supporters prétendent que nous ne pesons rien dans notre cercle d'amis tant que nous restons en dehors du grand cénacle décisionnaire. C'est bien entendu faux, mais passons. Il me semble en réalité largement préférable que nous nous mettions en mesure d'influencer nos partenaires, tout simplement parce que les affaires mènent sans doute à des partages plus équitables entre égaux que des sacrifices sur l'autel d'on ne sait trop quels sentiments abscons. Un partenaire a le droit de crier « et moi ? », entre amis, de telles considérations peuvent être déplacées. Fait amusant, se jurer fidélité ne coûte rien, ce qui, d'une perspective strictement économique, rend la chose sans valeur.

En définitive, le jeu de la sécurité, s'il est aussi rassurant qu'un car de CRS devant une usine en grève, ne peut nous mener qu'à un jeu médiocre, parce que dès qu'il sera question des intérêts français, nous nous verrons opposés les devoirs sacrés envers la communauté, devoirs qui, si l'on se fie à l'immuabilité de la nature humaine, seront d'abord l'addition des intérêts des plus forts, dont nous ne sommes pas vraiment.

Quelle que soit la voie que nous emprunteront, une chose est à peu près certaine, nous serons indéniablement considérés comme versatiles, comme indécis perpétuels, ou comme force de d'éclatement potentiel, ce qui va bien entendu à l'encontre des intérêts premiers d'une telle alliance. Phoenix a besoin de membres qui suivent la route tracée pour eux par le haut commandement sans broncher une seconde, mais ce ne sera probablement jamais le cas de la France, et ils l'ont bien compris.

« La France qui récupère son bois pourrait nous échapper », tel est le résumé, qui, au delà des braves accolades et claques dans le dos, des véritables intérêts de nos chers alliés ; en clair, une France sous dépendance est préférable à une France qui a les moyens de faire valoir et de mettre en pratique ses ambitions nationales, et il est assez dommageable que la presse française se contente d'une analyse au premier degré, celui du « super, ils nous aiment » sans vraiment crever la toile du paradis sur Terre qu'elles peuvent renvoyer. Peut-être parce que ce qu'il y a derrière la toile n'est pas si engageant, et que l'on n'y entrevoit pas l'avenir de rivières de lait et de miel qu'on aimerait y trouver. Peut-être parce que l'article d'Orango contient entre les lignes le fait que nous n'aurions pas le droit en tant que membres, et contrairement aux autres nations, de chercher la défense de nos priorités. Le parapluie est un peu cher.



Phoenix ne nous donne, pour conclure, au fil de toutes ses déclarations plus ou moins officielles, guère de raisons d'espérer, et guère plus qu'un sentiment d'amitié, qui, soyons honnête, ne coûte pas grand chose, mais à aucun moment, ils ne laissent penser qu'ils savent que leur destin est lié à celui de la France, qu'ils voudraient un allié fort à leurs côtés, et qu'ils feraient ce qu'ils pourraient pour l'aider à le rester, ou à le redevenir, et peut-être ont-ils raison, peut-être que nous sommes voués à rester sous occupation pour une longue durée, mais s'ils ont tort, ils auront beaucoup perdu, parce que quoiqu'on en dise, leur comportement actuel fait tout pour nous éloigner d'eux. Si Phoenix souhaite infléchir le cap actuel de toutes nos divergences, c'est à eux de faire ce qui doit être fait, qu'ils prouvent au peuple français que cette alliance servira à long terme les intérêts collectifs de notre pays, et clairement pas à nous nous courber les reins après que nous ayons prêté un serment d'allégeance éternel, ceci pour d'épisodiques rais de lumière que nous devrions accueillir comme grâces divines. Comme une bataille pour nous comme on jette un os à un chien. Une adhésion ne doit servir qu'un seul et unique objectif, servir les intérêts de notre faction, et eux seuls, même s'il est évident qu'ils peuvent se croiser à l'occasion avec ceux d'autres nations, et pour l'heure, il reste beaucoup à faire, plus de leur côté que du nôtre, parce que si eux ont beaucoup à y gagner, nous n'y gagnerons rien que nos chaînes, et nous perdrions même ce que d'autres auraient pu apporter.


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