Le tournoi

Day 2,110, 04:06 Published in France Ireland by Alfa UKSF

La nuit était tombée, il savait qu’il devait rentrer à la caserne. Une chambrée pleine d’inconnus où le commandant en chef avait attiré sa sympathie. Qu’est-ce qu’il faisait là? Dans quel but? Pour combien de temps? Les questions se succédaient et trouvaient toutes la même réponse… Pour fuir, pour oublier, surtout, ne rien regretter. Les Daily Orders se suivaient et se ressemblaient. Il se battait désormais de l’autre côté. Les seuls visages qui ne lui étaient pas étrangers étaient ceux de ses adversaires. Les au revoir résonnaient, inéluctablement, incessamment mais il savait, il savait que, même s’ils avaient du mal à l’accepter, ils comprendraient. Depuis des années, l’appel du devoir était le plus fort et, cette fois-ci, la cause était...tout aussi dénuée de sens.

Un nouveau jour se levait. Il ne le savait pas encore mais celui-ci serait différent. La voix dans le haut parleur annonçait une nouveauté. Toutes les unités militaires du nouveau monde étaient appelées à s’affronter à l’occasion d’un nouveau tournoi… Il savait ce que cela impliquerait. Des demandes de toutes parts allaient affluer pour une incorporation immédiate et sans conditions.

Devait-il fidélité à quelqu’un ou quelque chose? Bien sûr que non, ce nouveau pays était vierge de toute promesse mais également de tout acte qui aurait pu le mettre en valeur. Sa décision était prise, il se battrait pour l’eFrance, oui, mais où? Dans quelles conditions? Auprès de quels frères d’arme?

Les premières consignes officielles qui découlaient de discussions houleuses avaient un aspect abscons, totalement caractéristique des comportements eRepublikains. C’était une bonne chose, il n’était pas totalement perdu, il y reconnu même un air familier, presque sympathique. Quelle unité militaire allait représenter la grandeur de l’eFrance? Le débat faisait rage. Certains penchaient pour Chillax, d’autres pour l’Armée… L’une ou l’autre, peu importait, il savait ce qu’il devait faire, il l’avait déjà fait dans une vie antérieure. Il ne souhaitait qu’une seule chose, que la maudite voix off lance le top départ de la compétition.

Un compte à rebours...plus que quelques heures avant le début des festivités...Il allait en profiter pour fermer les yeux quelques instants...et repenser aux événements marquant du dernier tournoi. Il se rappelait comment, en y mettant tout son coeur, sa précédente unité militaire avait été classée, avec les honneurs, dans le top 20 mondial. Il savait que les premiers instants étaient décisifs, que les gens qui n’avaient pas les idées claires allaient se laisser dicter par le classement et qu’ils rejoindraient les plus brillants. C’était à lui de jouer, il devait prendre les choses en main, c’était sa chance, il devait prouver deux fois plus que les autres, assoupis d’évidence.

Les discussions allaient bon train dans l’hémicycle. Le président avait proposé de lancer une loi qui permettrait aux soldats de bénéficier d’un peu de boost au combat. Ils n’arrivaient pas à se mettre d’accord, une loi avait été lancée dans ce sens, contre la Pologne mais les votes favorables faisaient cruellement défaut. Alors que le combat était lancé dans les territoires sud, il se passait quelque chose d’inattendu, d’assez rare, à la limite de l’inquiétant. L’eFrance prenait le dessus dans une guerre de résistance lancée par un quidam, au pedigree certes fort honorable, mais un quidam tout de même.

La bataille faisait rage. Il avait exhorté quelques unes de ses connaissances à récolter assez de fonds pour pouvoir organiser une révolte en pays d’Oc et c’était l’occasion rêvée. Au fur et à mesure que les millions de cartouches étaient brûlées, une lueur d’espoir traversait la population locale. La France était en train de libérer le midi du joug de l’oppresseur serbe.

Un oeil sur le classement, l’autre sur les listes d’enrôlement, il voyait la situation se décanter, agréablement surpris et, presque, l’air satisfait. Une place dans les cinq premiers mondiaux, après 24 heures de tournoi, c’était quelque chose qu’il connaissait déjà. Le plus impressionnant n’était pas pas ça. Le top national lui donnait des frissons. 90% de la population active s’était rassemblée et luttait, pour le bien de la cause commune. Ce n’était plus une unité militaire, c’était une horde. Certes tous animés de motivations on ne peut plus disparates, mais peu importait. Les résultats ne se feraient pas attendre. Il savait que son pari était d’ores et déjà gagné. Il avait caressé l’âme de toute une communauté et lui comblant des carences qui lui faisait cruellement défaut. Victoire et espoir, les deux mamelles nourricières d’une ère nouvelle qui soufflait désormais et repeignait ces murs gris.

L’armée française finissait le tournoi en roue libre, à une très honorable dixième place, l’entièreté du sud libre d’occupation. La joie était mitigée. Nous avions failli aux termes du traité qui nous garantissait quelques territoires contre un tribu en monnaie sonnante et trébuchante, l’heure de payer ou de se battre pour avoir le droit d’exister arrivait à grands pas.