La reconquête

Day 2,202, 11:57 Published in France Ireland by Alfa UKSF

Montpellier, jour 2198, 15h01. L’air était sec et froid en cette journée ensoleillée de milieu d’automne. La foule était déjà présente devant l’hémicycle. Des badauds, des soldats, des commerçants, des gens de tout horizon confondu voulaient accueillir les premiers élus de la zone libre depuis assez longtemps.

Lui, assis sur un banc, à l’écart, regardait sa montre avec impatience. Cela faisait longtemps qu’il était parti. Sa quête n’avait abouti à rien sinon à se perdre d’avantage. Après avoir parcouru la terre entière, se battant de toutes ses forces pour des causes aussi futiles qu’inutiles, il était désormais temps de rentrer. Il ne savait pas ce qui l’attendait mais au moins, il serait chez lui, avec les siens. Il imaginait sans peine les camarades du 32ème régiment, dont il avait eu la capitainerie, lui avoir préparé une petite réception de bienvenue.

Buenos Aires, jour 2141, 4h47. Il faisait très chaud à l’aéroport Internationnal Ministro Pistarini de Ezeiza, l’hiver doux avait laissé place à un printemps aride. Il avait eu de la chance d’avoir ce visa au marché noir. Son histoire avait ému le congressiste argentin qui pensait agir pour la bonne cause. Il voulait retrouver la trace des assassins de son épouse et n’avait comme point de départ que l’Argentine.

Bien qu’il restait en contact permanent avec le Quartier Général de l’armée, ses combats étaient limités aux Amériques. Il espérait, en fréquentant les champs de bataille de cette zone, découvrir qui avait mis cette balle entre les deux magnifiques yeux de son épouse dont il avait, cette fois, officiellement reconnu le corps à la morgue de Rio de Janeiro.

Il fréquenta des endroits peu recommandables pour des européens. Des compétitions que seuls des Titans pouvaient dominer, il n’en fit qu’une bouchée. Il fut démasqué rapidement mais sa renommée le précédait et c’est avec hargne qu’il était poursuivi dans tout le pays. Le pire était que même les siens pensaient qu’il s’était vendu à l’ennemi. Il avait dû, avec ses connaissances basiques en droit militaire, se défendre devant une Cours Martiale française, qui prétendait lui retirer le peu de droit qui lui restaient de par ses faits d’armes dans l’hexagone.

Santiago de Chile, jour 2171, 23h49. Il pleuvait dans les ruelles sombres de la capitale. Une pluie chaude et abondante qui lui rappelait les étés de son enfance dans les quartiers populaires de Barcelone. Même la langue parlée autour de lui, bien qu’ayant une intonation différente lui rappelait ces doux moments d’innocence.

Il avait échappé de justesse à la pendaison au Pays du Tango et avait fait confiance à un guide, payé en pain de qualité supérieure, qui n’existait qu’en Europe et dont il lui restait quelques kilos, afin de le mener par des chemins tortueux, hors de portée d’un mort certaine.

Il fût rapidement embrigadé dans les conflits armés de la région. Le peuple se soulevait contre l’oppresseur argentin mais les victoires d’hier laissaient place aux défaites d’aujourd’hui. Il arpentait, sans relâche, les champs de bataille latino-américains. Il ne pouvait pas rentrer, pas maintenant, les ponts aériens étaient coupés vers la France. La France, un pays aujourd’hui disparu, envahi par des hordes sauvages, partagé entre la Pologne et la Serbie. Salie par des gens qui n’étaient là que pour la dépouiller de ses ressources naturelles. Chaque fois qu’il ressassait ces pensées, son sang bouillonnait et les effets se remarquaient tout de suite sur les champs de bataille.

Lors de l’accalmie octroyée par un, trop rare, cessez-le-feu, il lu un journal, abandonné sur la table de la cantine. Il le prit et commença à le lire machinalement. Il connaissait par cœur la situation locale et se jeta donc sur les nouvelles internationales. “Une vague de résistance est née dans le sud de la France” ce titre le laissa sans voix. Quand? Où? Pourquoi? Comment?

Il devait en avoir le cœur net. Il lui fallait contacter, au plus vite, un responsable tricolore. Lui répondrait-il? Lui qui avait quitté le Pays des Lumières depuis si longtemps, ne savait même pas qui étaient les responsables en charge du pays aujourd’hui.

“Peu importe, il faut que j’essaie” marmonna-t-il, avec détermination. Il avait encore des contacts et on lui devait encore quelques services.

Il demanda son extraction de la zone et, à sa grande stupéfaction, sa requête fut accepter sans même devoir argumenter. C’était comme si l’officier qui reçut la communication attendait cet appel depuis des lustres.

L’hélicoptère arriva dès le lendemain. Il ne fallut que quelques heures pour arriver au porte-avions qui mouillait au large des côtes africaines. Arrivé à bord, l’accueil fût correct, sans être exultant. Le capitaine du eClémenceau avait reçu l’ordre de débarquer des troupes américaines à Toulon et il faisait partie de ces renforts, destinés à libérer le sud du joug serbe.

Dès qu’il mit pied à terre, il entra dans la bataille sans réfléchir, il fallait profiter d’une offensive coordonnée avec les différents alliés pour libérer au moins une des 22 régions de la France.

Les victoires dans le sud furent acquises facilement et, le soir tombé, il priait pour qu’un jour, l'entièreté soit libre à nouveau.

Poitiers, jour 2193, 9h47. La nervosité était partout dans l’air ce matin. Il ne savait pas pourquoi et alla se renseigner chez l’officier le plus proche. “Nous avons reçu ce matin de nouvelles armes, elles sont alimentées par la Détermination”.

“La Détermination?” Il ne connaissait rien de ce nouveau composant qui, à première vue était très efficace. Il appris rapidement à l’utiliser. Telle la potion magique de Panoramix, cette nouvelle arme multipliait, à l’infini, se puissance au combat. Il était temps de l’essayer en situation de combat réel.

Poitier fût libéré en quelques heures. Saxony tombait également, à la faveur d’une résistance hargneuse. La Pologne était dépassée et battait en retraite, nous récupérions nos régions les unes après les autres. L’opération initiale, qui devait servir à nous assurer l’organisation d’élections législatives, tournait tellement en notre faveur qu’elle verrait, à n’en pas douter, la France toute entière réapparaître sur le mappemonde.

Oui, la libération était en route et rien ne pourrait l’arrêter désormais. Notre nouvelle arme, bien que limitée dans le temps, fonctionnait à merveille. Peut-être pas pour longtemps mais nous voici libres, totalement.