L'assaut

Day 2,113, 08:03 Published in France Ireland by Alfa UKSF

Ce matin là, le coup de téléphone de l’état major l’avait inquiété. Nous étions sous le feu nourri des hussards ailés depuis une semaine et nous n’avions que peu d’espoir de résister jusqu’aux prochaines législatives. Le pression mise sur les épaules du gouvernement était énorme. La voix diplomatique avait échoué et il s’en voulait un peu. Quoique, les négociations étaient mortes nées, nous voulions l’impossible et les responsables polonais nous l’avaient fait savoir sans détour. Il était simplement hors de question de négocier quoi que ce soit, nous n’aurions ni l’Alsace ni la Lorraine. Les termes de l’ancien traité était quelque chose que nous ne voulions plus et le chemin de la liberté passerait désormais par la force. Telles avaient été les consignes du haut commandement, il les avait traduit assez abruptement en quittant la table de négociations.

Le hummer filait à toute vitesse vers le quartier général. Le temps pressait. La nuée de poussière laissée par le véhicule tout terrain le plongea dans la nostalgie la plus totale…

Une petite chapelle perdue dans le désert mexicain. Il avait donné rendez-vous à une poignée d’intimes pour célébrer son union avec sa promise. Elle avait dit oui, en toute hâte car elle partait pour une mission suicide dans la jungle amazionenne les jours qui devaient suivre. Le prêtre mexicain abrégea le cérémonial. Oui, je le veux. Elle acquiesça à son tour, dans la foulée. Les voilà mariés.

Le hummer traversait les lignes ennemies sans s’arrêter, les balles sifflaient, le blindage était mis à rude épreuve. Lui, assis au volant, de craignait rien. Il n’avait plus rien à perdre de toutes façons… Encore des souvenirs qui émergeaient… Colonel Trico, c’est avec beaucoup de tristesse que nous vous annonçons le décès en mission du Capitaine Laflore. Veuillez agréer, Colonel, l’expression de nos plus sincères condoléances. Il lu et relu ce maudit courrier jusqu’à en connaître par coeur la moindre virgule. Le fait qu’il portait des lunettes noires en permanence n’était pas le plus gênant. Cette douleur sous les côtes… ça l’empêchait de respirer assez souvent. Il savait qu’au combat, cette faiblesse ne lui pardonnerait pas. Il avait d’ailleurs rempli, comme le prévoit le protocole, le formulaire T1-CK-3T pour demander sa démobilisation sans délai. Il avait servi assez longtemps, il était temps de mettre fin à une vie de guerre, ou peut-être, à une vie, tout court.

L’explosion le fit dévier de sa trajectoire, il reprit ses esprits juste à temps. Le quartier général n’était plus qu’à quelques kilomètres. Il voulait savoir pourquoi tant d’ébullition parmi les gradés.

Il ne coupa même pas le moteur lorsqu’il arriva en trombe sur le tarmac de la base. Il descendit sans dire un mot et entra dans la salle où se décidaient le sort de toute une nation.

“Monsieur le Président”, dit il, machinalement. “Colonel, je suis content de vous voir, qu’en est-il de votre demande de démobilisation?” Il ne put retenir son rire. Il savait qu’on ne le laisserait pas partir. Il était né pour se battre, c’est ce qu’il ferait, envers et contre tout. “La demande a été prise en compte, Monsieur, elle est à l’étude”. “Bien, en attendant, nous avons du pain sur la planche. Nous sommes sur le point de perdre dans nos derniers retranchements. Nous avons fait évacuer la population et l’armée a déjà embarqué. Nous partons!”

“Nous partons? Monsieur le Président, je…” “Taisez vous colonel, la décision est prise, nous avons déjà négocié les termes de notre exil avec la Mère Patrie. Notre objectif est double, chasser l’envahisseur hongrois et établir nos nouveaux quartiers en Volga Vyatka”. “Bien Monsieur, dans ce cas, nous partons”, dit-il, sans conviction.

Ce qui devait être une simple manoeuvre se converti bientôt en berezina. Nos soldats tombaient comme des mouches. Sans doute que la publicité excessive avait permis à nos ennemis d’infiltrer les balises et de nous prendre par surprise. Quoi qu’il en soit, nous étions dépassé par les évènements. “Colonel, il faut établir un périmètre de sécurité, nos hélicoptères doivent pouvoir atterrir sans encombre”.

Une fois de plus, il devait se battre pour son pays. Tel était son destin et il savait que rien ne pourrait y faire, il mourrait en essayant.

Une habile manoeuvre repoussa l’attaque ennemi. Nos alliés étaient désormais au courant de nos difficultés et plusieurs régiments de blindés devaient arriver via les steppes froides de Sibérie. Arriveraient-ils à temps? Rien n’était moins sûr. Il devait faire diversion. Donner un peu d’espoir aux troupes, résister jusqu’à la tombée de la nuit.

L’envie n’y était pas, c’était certain mais la destinée de toute une nation dépendait de lui. Il devait se racheter aux yeux des siens après l’échec diplomatique de la semaine qui précédait.

Le dernier assaut...il fallait absolument remporter cette bataille si nous voulions donner assez de temps à la cavalerie pour qu’elle n’arrive pas trop tard.

“Colonel, c’est maintenant que vous devez vous déployer”. “Oui, Monsieur”.

Les ordres étaient clairs…. maintenant!!!

Il déversa toute sa rage dans la bataille, les ennemis tombèrent par centaines, le combat dura jusqu’au crépuscule. Le crépuscule… enfin, l’heure de se reposer arrivait. Les régiments américains étaient à portée de vue. Nous avions resisté, l’ennemi ne battrait peut-être pas en retraite mais, avec l’avantage de la nuit, nous nous réveillerions victorieux.

Il se retira sous sa tente et ferma les yeux rapidement. Enfin, c’est fini. Ses blessures lui faisait endurer un véritable calvaire. Mais la douleur n’était que physique, il en était même content, cela lui faisait oublier d’autres cicatrices qui ne pouvaient se refermer… Le sommeil le gagnait, avec un peu de chance, il ne se réveillerait plus…

La vibration de son téléphone portable le tira de son sommeil. Il s’était quand même réveillé, encore dans un état comateux, et vit l’expéditeur du message. Il n’en cru pas ses yeux. Fébrile et nerveux, il tapota sur l’écran maculé de sang… “Les enfers n’ont pas voulu de moi, je suis revenue”