Kev2969 : "Je reste convaincu que l'on arrivera à changer les choses un jour."

Day 1,633, 11:50 Published in France France by Dhelk




"Demande d'asile ou séjour temporaire?
- Temporaire.
- Alors c'est par ici."


On me dirigea vers une file d'attente parallèle. Du moins, je la composais seul. L'attente ne serait pas très longue. Je me tenais devant un large portique, drapé d'un épais rideau de velours bleu marine. Patiemment, je jetai un œil à la file d'à côté. Une chance que nous ayons pu embarquer sur le dernier long-courrier à destination de Washington avant la prise de Paris. Mais tout ces gens étaient maintenant coincés ici et devaient obtenir un permis de séjour le temps de libérer le territoire français.

Le rideau s'écarta, les cercles métalliques rayant la tringle doré dans un grincement strident. Une chaise, un bureau, une chaise. Et un homme peu commode qui m'attendait. J'entrai, le portique se referma. Je pris place.

"Qu'est-ce qui vous amène sur le territoire de mon cher pays, Monsieur... (il regarda furtivement le passeport que je lui tendais) Dhelk?
- Une rencontre.
- De quel ordre?
- Professionnel. Une entrevue pour être exact. Je suis journaliste.
- Ici? A Washington?
- Oui. Au NSC.
- Hum... Je crois deviner quel sera votre interlocuteur, Monsieur Dhelk. On le connaît bien par ici, vous savez.
- Positivement ou négativement?
- Ça dépend. Vous êtes français, n'est-ce pas?
- Oui.
- Alors la réponse vous déplaira sûrement."


On me guida hors des bureaux de douanes jusqu'à un tarmac parallèle. Un homme en costume sombre, taille moyenne, début de calvitie, sauta de l'hélicoptère qui venait d'atterrir et se dirigea vers moi à grandes enjambées. Il retira ses lunettes de soleil et me tendit une main ferme.

"Monsieur Dhelk? Agent Johnson, du National Security Council. Veuillez monter à bord, je vous prie."

Le dispositif de sécurité entourant les locaux du NSC était purement impressionnant. Tout comme les protocoles. Il nous fallut de longues minutes avant de parvenir jusqu'au Quartier Général. Cette pièce, immense, dont les murs étaient recouverts d'écrans indiquant des données en tout genre, grouillait littéralement de monde. Nous étions en temps de guerre, et l'intensité était tout aussi présente ici que sur le champs de bataille. Johnson m'indiqua d'un geste la porte d'un bureau se trouvant au fond de la pièce. Je pris dans sa direction, puis frappai à la porte. On m'indiqua que je pouvais entrer.

Il me tournait le dos, faisant face à un gigantesque écran indiquant les positions américaines sur l'une des batailles dans lesquelles le pays était impliqué. Du doigt, il traçait des plans d'attaques qui se dessinaient immédiatement sur l'écran. Ça et là, il déplaçait des troupes, modifiait des angles d'attaques. Enfin, il se retourna, le sourire aux lèvres, visiblement satisfait.

"Une nouvelle stratégie victorieuse?
- Je l'espère. C'est mon travail, répondit Kev."




"Je vois que tu n'as pas chômé. Tu as vite trouvé ta reconversion."
Il sourit.
"Enfin peinard! je pourrais dire.
- Pourtant, cet endroit ne donne pas vraiment l'impression que tu te la coules douce,
dis-je.
- Un mandat n'est jamais facile. Donc une fois que c'est fini, on respire un grand coup et on se retourne pour voir le résultat.
- Et comment est-il, ce résultat?
- Mitigé. Du côté militaire, nous avons rasé le Royaume-Uni pour la forme et la campagne en Slovénie est un échec. Et comme si ça ne pouvait pas suffire, on a, hélas, subit de lourdes attaques en fin de mandat qui perdurent encore aujourd'hui."


Je rebondis sur les réformes.

"Par rapport à l'Armée, je n'ai pas pu instaurer ce que je voulais. Mais ça aura au moins eu le mérite de faire réagir les soldats. Ils ont mené leur propre réforme et ont désigné un nouveau SEM (NB : Stratège de l'État-major) motivé, en la personne de Vehairpe, pour la mener à bien. Maintenant, il faut laisser la sauce prendre et attendre de voir ce que ça donne.
En ce qui concerne le Corps Diplomatique, peu ou pas d'avancements. C'est assez décevant quand on espère pouvoir l'utiliser comme un outil important.
- Crois-tu la France irréformable ou bien tu gardes espoir?
- Les choses paraissent malheureusement un peu figées. Les soldats refusent de toucher à la structure de l'Armée et les ambassadeurs s'opposent à la réforme actuelle du Corps Diplomatique. Il est possible aussi que les réformes proposées ne soient pas encore optimales et qu'il reste du travail pour qu'elles conviennent au plus grand nombre. Quoi qu'il en soit, je reste convaincu que l'on arrivera à changer les choses un jour."


J'enchaînai.

"Si tu avais la possibilité de revenir en arrière et de changer une chose, qu'est-ce que ça serait?"

Il s'arrêta et s'accorda un temps de réflexion.

"A vrai dire, j'en aurais probablement deux : la campagne en Slovénie et la réforme de l'Armée. La guerre contre les slovènes a uniquement servi à mes détracteurs, alors que j'aurais très bien pu me contenter de rester tranquille à attendre la Hongrie et la Pologne nous chercher par elles-mêmes. La réforme de l'Armée, car nous avons subi de gros "leaks" de la part de personnes en qui j'avais pleinement confiance, alors que la réforme n'était encore qu'au stade de projet et que rien n'était finalisé.
- Elle est donc mort-née?
- C'est exactement ça. Du coup, nous avons été obligés de changer de cap sous la pression de l'opposition, alors que la réforme prévue n'était qu'une transposition de ce qui fonctionne très bien ici, aux USA, et qui aurait pu rendre notre Armée à nouveau efficace et attractive.
- Tu parlais d'opposition. C'est vrai que l'on a l'impression que tes mandats sont une source d'inspiration très forte pour les autres partis qui ne se gênent pas pour te mettre des bâtons dans les roues. Comment tu expliques cette impopularité chronique en France, alors que tu es apprécié et reconnu à l'étranger?
- Déjà, mon passé à l'Etat-major ne joue pas en faveur, car j'ai été à l'origine de mesures impopulaires en ce temps-là, ce qui a ennuyé pas mal de monde.
- Lesquelles?
- Notre prise de pouvoir à l'Etat-major, notamment. Elle partait d'un bon sentiment, mais elle aurait due se faire autrement. Seulement, les choses se sont enchaînées et nous nous sommes retrouvés pris dans l'engrenage.
Sans compter l'habituel phénomène de minorité qui parle et de majorité silencieuse. Car, malgré toutes les critiques, les problèmes, j'ai passé avec succès toutes les tentatives visant à me destituer durant mes trois mandats.
- Mais la conjoncture y a été pour beaucoup, tu ne crois pas?
- La "Coalition du Lulz" s'était efficacement préparée. Elle affirmait qu'elle dirigerait aux côtés de gg_tk si la procédure passait. Mais malgré toute cette préparation, ça n'a pas été le cas.
- Qu'est-ce que tu regrettes le plus, dans ce mandat?
- Ma principale espérance était de pouvoir mener un mandat de paix, après mes deux autres mandats qui étaient des mandats de résistance. Mais depuis Biduloh I on assiste à un retour de ONE sur la scène militaire. En conséquence, je n'ai pas pu me concentrer comme je le souhaitais sur les réformes structurelles et les problèmes de fond, et mon gouvernement et moi avons dû passer énormément de temps à la gestion des fronts."


On arrivait bientôt à la fin de l'entrevue, c'était le moment d'aborder la question délicate.

"Tu as pu le remarquer, ton mandat a suscité de nombreuses critiques, notamment pour ce qui est de ta communication. Est-ce que tu comprends ces critiques et est-ce que tu les trouves fondées?
- J'en comprends certaines. Le mandat n'est pas exempt de tout reproche, c'est évident. Mais il n'a pas été aussi médiocre que certains peuvent le dire. Au niveau de la communication, si on pose le bilan sur la table, on a pas mal de JO publiés, une conférence de presse, le retour du MinLulz, des Infos Def régulièrement mis à jour et des analyses stratégiques.
- Oui, sauf que pour la majorité des citoyens lambdas, l'impression générale était que le gouvernement les mettait à l'écart de l'actualité en les maintenant dans l'ignorance."


Son visage se ferma.

"Je dois bien avouer que par rapport à cela, mon principal problème est que je manque cruellement de recul. Depuis longtemps j'ai accès aux plus hautes sphères et j'ai le plus grand mal à me mettre dans la tête des citoyens pour voir ce qu'ils souhaitent.
- Mais n'était-ce pas là le rôle de ton gouvernement, de tes conseillers?
- Si, et je me dois de remercier Blabla et Stephanof pour leur travail remarquable. Stephanof est même allé jusqu'à dépoussiérer ce bon vieux journal du MinLulz pour la première fois depuis un bail. Ils m'ont tout deux été d'une aide précieuse."


L'interview s'achèverait sur ces remerciements. Kev se leva, je l'imitai. Après une chaleureuse poignée de main, il me raccompagna jusqu'à la sortie. Sur le pas de la porte, je lui demandai s'il envisageait de replonger un jour dans une carrière politique en France.

"La présidence est finie pour moi. Mais je me tiendrai à la disposition de chaque président qui sollicitera mes services."


Dhelk
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