Pourquoi la France est et restera insignifiante

Day 675, 16:16 Published in France France by Ivan Dusaiks




D'aucun, si tant est que ce cher d'aucun soit observateur, se demanderont pourquoi, en dépit de nos dix milles hommes, l'armée française est aussi efficace qu'un sovkhoze de culture cotonnière dans le grand nord sibérien. En un mot, l'armée, et aussi à son exemple toute l'administration française, sont d'immenses machines aussi effrayantes en action que le moins bon des illettrés. Lourdeur, inefficacité, manque d'investissement des participants, sont souvent déplorés, et combien on a raison de le faire ! Mais combien l'on se trompe, en mettant en cause le symptôme au lieu du mal réel.

Le pouvoir accusera, relativement à l'inefficacité de nos armées, la faible expérience des joueurs français, ce qui est vrai, mais seulement dans une certaine mesure, puisqu'il existe, ou devrait exister en théorie encore un noyau dur de plus de 1000 joueurs d'avant les deux poussées démographiques, ce qui n'est pas négligeable. Pourtant, ce noyau, plus que les autres, est en pleine crise de désinvestissement. Les joueurs les plus skillés se barrent, et la seule responsabilité en revient à la mentalité et au mode de gouvernement typiquement français.

Tout peut se résumer en un seul mot, la parodie. Le pays France est administré comme une grosse machine bureaucratique, sous couvert d'imitation simiesque d'une démocratie réelle, dont personne ne veut vraiment sur un jeu, mais dont tous se gargarisent et se félicitent à qui mieux mieux au regard des scores impressionnants de participation aux élections. Pour faire simple, nos chers dirigeants conservent leur pouvoir par le statu quo de l'inefficacité administrative sous couvert de la défense des intérêts des joueurs inactifs.

Mais avant d'en venir à l'explicitation d'une telle accusation, qui n'est pas sans conséquence, je ne prendrai qu'un seul exemple, éloquent : qui a déjà essayé de compter le nombre ubuesque de canaux IRC à l'accès restreint sur epiknet et réservés à erepublik ? Chaque micro canal ayant bien entendu sa fonction propre, et ses divisions bien gardées, afin d'entretenir l'inefficacité sous couvert de méticulosité.

Pourquoi, dès lors, entretient-on l'inefficacité ? Parce que la complexité est un moyen de conservation du pouvoir. Seul un initié peut désormais s'y retrouver parmi la multitude de textes de loi, de règlements, et de routines prétendument fonctionnelles, ce qui crée de facto un effet d'exclusion du pouvoir des non initiés, pouvoir réservé à « ceux qui savent » comment faire avancer le mammouth, et qui pourront se vautrer dans l'autocongratulation sur les résultats « exceptionnels » qu'ils savent en tirer pour asseoir leur légitimité.

Et pendant ce temps, l'armée française est une armée d'opérette, les règlements étouffent le congrès, la machine économique est laissée au diktat des préjugés de ceux qui auront le courage de passer des heures à remplir des documents totalement inutiles, et les autres s'en foutent, de guerre lasse.

Je dois avouer que c'est bien la première fois que je fais le constat d'une méthode si éprouvée, et si tordue de conservation du pouvoir par une élite spécifique, qui n'est « bonne » et légitime que parce qu'elle se complaît dans la contemplation conservatrice de son propre système, au détriment de la motivation du plus grand nombre. Toutes mes autres expériences de jeu en ligne se résumaient à cela : au nom de l'efficacité, une aristocratie émergeait, et les droits d'entrée n'étaient fonction que de la motivation du joueur à s'impliquer dans la communauté. Du temps offert, en théorie, offrait des privilèges, des passes-droits légitimés par le retour en termes de possibilités de jeu, et plus encore si le joueur a quelque chose en plus à apporter (un leadership éprouvé, une bonne capacité de gestion notamment). En clair, idéalement la règle sur eRepublik ne devrait, si l'on fait le choix de la rationalité, pas servir à privilégier la perpétuation héréditaire de la charge des postes, au sein desquelles se transmettent idées et traditions, mais favoriser l'émergence d'une élite de joueurs ouverte sur la simple condition de l'investissement personnel.

Cependant, le jour où l'on comprendra que le but d'un jeu n'est pas de copier la réalité, et que la justice la plus prétendument égalitaire (= l'inactif a autant de droits sur les décisions prises au sein de la communauté que le plus motivé) et la plus bureaucratique n'est que le moyen autant que la cause de notre faiblesse, alors il sera sans doute trop tard pour défaire le monstre de papier sous lequel nous étoufferons, et qui nous enfonce chaque jour plus vers les abysses de l'éternelle médiocrité.