Du destin des nations guerrières

Day 639, 08:54 Published in France France by Trip Fontaine

Bonjour et bienvenue sur ce nouveau magazine littéraire et pseudo-intellectuel destiné à (tenter) de prendre de la hauteur sur les e-évènements que nous vivons et auxquels nous donnons corps.

aujourd'hui, je vous propose de croiser le constat de l'effective puissance grandissante de notre e-France avec un texte littéraire bien éclairant (et fort joli) traitant d'une nation guerrière aujourd'hui disparue.

Alors bien sûr, comme tout le monde, je me tape sur le torse, fier d'avoir ingéré l'e-Spain. Toutefois je ne suis pas certain que celle-ci soit comestible (nous français sommes peu habitués à la friture). En outre, les e-spagnoles, eux, n'auront de cesse de nous rendre malades.

Bref, si je suis bien content d'avoir donné une lecon aux rudes ibères, il convient pour l'e-France de penser son influence mondiale au-dela de la Force armée (Mister President, si tu m'entends). Et rassurez vous je ne fais pas de l'e-France, une e-Sparte, ni une e-allemagne nazie. Simplement, il convient j'insiste, de ne pas raisonner qu'en termes militaires, c'est primordial.

Allez, savourez, c'est un chef d'œuvre :

"Ce fut une ville d'héroïques guerriers et de farouches patriotes, soucieux avant tout, comme Hitler, de la pureté et de la beauté de leur race.
Lorsqu'un enfant naissait, une commission d'experts venait donc l'examiner, dans la chambre même de l'accouchée. Les filles étaient estimées selon leur taille et leur poids, comme des juments poulinières. Les garçons devaient paraître capables de porter un jour le bouclier, le casque de bronze, et la lourde épée de fer. Soumis dès l'enfance à une discipline militaire, leur seul idéal était de mourir sur un champ de bataille, après avoir tué autant d'hommes que le permettaient les armes de ce temps. Quand aux enfants "réformés" par ce "conseil de révision", les vieux sages les emportaient sous le bras, et allaient les jeter dans un gouffre voisin, qui s'appelait le Barathre.
Finalement, cette race si belle, et si soigneusement épurée, que nous a-t-elle laissé?
Des noms de rois, auteur de lois aussi sévères qu'un règlement pénitentiaire, des noms de généraux, dont les armées ne dépassèrent jamais l'effectif d'un régiment, des noms de batailles, dont la plus célèbre est le glorieux désastre des Thermopyles, et les murs effondrés d'une petite ville. Ces pierres éparses sous des ronces ne cachaient pas une Vénus, un Discobole, une Victoire ailée, mais un bouclier verdi, des casques fendus, des glaives amincis par la rouille du temps. Au centre d'un paysage quelconque, ces ruines anonymes ne sont pas dominées par un lumineux Parthénon, haut dans le ciel sur une Acropole, mais accroupies dans l'ombre au bord d'un trou.
Ces hommes furent des Grecs de la grande époque, à deux pas d'Athènes, mère de l'intelligence et des arts... Pourquoi leur héritage est-il si misérable?
C'est parce qu'ils ont abruti sur leurs champs de manoeuvres, et sacrifié sur des champs de bataille, leurs poètes, leurs philosophes, leurs peintres, leurs architectes, leurs sculpteurs; c'est parce qu'ils ont peut-être précipité sur les rocs aigus, au fond du Barathre, un petit bossu qui était Esope, ou le bébé aveugle qui eut chanté à travers les siècles les Dieux et la gloire de leur patrie... Et parmi les trop pâles petites filles qui tournoyèrent un instant, frêles papillons blancs, à travers la nuit verticale du gouffre, il y avait peut-être les mères ou les aïeules de leur Phidias, de leur Sophocle, de leur Aristote ou de leur Platon; car toute vie est un mystère, et nul ne sait qui porte le message; ni les passants, ni le messager."


Les secrets de Dieu (Marcel Pagnol)