Des gestes qu'on a oubliés

Day 1,098, 11:22 Published in France France by Gustave Henry

Chaque jour, vous faites des gestes dont vous ne mesurez pas la portée.
En effet, les gestes sont comme les mots. A mesure qu'on les utilise, on en perd le sens, il s'usent et finissent par changer de signification.

Premier exemple, la poignée de main. La banale et machinale poignée de main que l'on donne tous les matins à nos amis comme à nos ennemis, et qui signifie simplement un salut plus ou moins amical, tire son origine du Moyen-âge. En effet, le fait de présenter sa main ouverte, donc incapable de cacher une arme, permettait de montrer sa bonne volonté et sa franchise. Il s'agissait non pas d'un salut (qui était alors plutôt le baiser sur les deux joues et/ou sur la bouche), mais d'une simple preuve de bonne volonté. Simplement ce geste, répété à l'extrême a remplacé le baiser comme salut des personnes peu proches ou des simples connaissances, et est le plus souvent utilisé par les hommes.
Toutefois il est clair que la symbolique ancienne a disparu, emportée par les ravages du temps.


De nos jours la poignée de main est utilisée pour sceller un accord, saluer ou comme signe de reconnaissance

Deuxième exemple, le salut militaire. Ce qui aujourd'hui est un signe de reconnaissance entre soldats d'une même armée constituait autrefois un symbole tout autre. L'origine du geste est sans doute l'antiquité ou le Moyen-âge précoce.
Il était de bon ton, lorsqu'un voyageur en croisait un autre, de lever la main paume ouverte jusqu'au dessus des sourcils afin de montrer clairement l'absence d'arme (et donc de danger) dans celle ci, et de prouver que l'on était qu'un simple marcheur sans intention de détrousser.
Au Moyen-âge médian, la symbolique évolua. Le geste devint celui de relever la visière du heaume afin de montrer ses yeux, ce qui était une preuve de courage avant la joute.
Ce n'est qu'au XVIIème siècle que ce geste prit sa signification purement militaire. Il devint un signe de reconnaissance entre les différents soldats d'une même armée. Chaque armée adopta progressivement sa propre variante.


Le salut français conserve l'aspect de main ouverte à l'origine du signe.

Autre exemple, La fameuse accolade, qui consiste en un simple contact des deux interlocuteurs avec une ou plusieurs tapes dans le dos. Avant que le sens en soit transformé par les "free hugs", il s'agissait dans les milieux de la pègre, d'un signe de méfiance. En effet, en tapotant dans le dos, on vérifie que l'autre n'a pas d'arme cachée dont il pourrait se servir...

Passons maintenant au salon.
Il est d'usage, lors des soirées, réceptions et diverses célébrations, d'entrechoquer les verres afin de montrer la joie, l'amitié....
Mais ce geste, toujours hérité du moyen-âge, est avant tout une preuve de bonne foi.
Dans cette époque vivant dans la crainte du poison, il était bien vu qu'un hôte frappe son verre contre celui de son invité afin d'échanger avec lui un peu de son breuvage et ainsi lui prouver que si poison il y avait, il mourrait aussi.
Ce geste, loin d'être un signe de joie montrait au contraire que le rapport de confiance pouvait s'établir entre les deux individus.


Plus le choc était grand, plus la confiance l'était


Enfin et pour finir cet article, un petit clin d'oeil à nos amis anglais, de qui nous vient le fameux, l'archi-connu "doigt d'honneur".
L'origine de ce geste aujourd'hui réputé pour sa vulgarité (quoique son utilisation abusive en ait grandement réduit la portée) remonte à la guerre de cent-ans, paroxysme de "l'amitié" (hum... 😁 Franco-Anglaise.
Sur les champs de bataille s'alignaient coté anglais les légers et puissants archers anglais, et de l'autre les lents et peu nombreux arbalétriers français.
Les anglais avaient évidemment l'avantage.... Si bien que, en représailles, chaque archer anglais capturé avait le majeur tranché, de sorte qu'il ne puisse plus utiliser son arme de prédilection.
Très rapidement, les archers anglais eurent vent du sort réservé à leurs malheureux compagnons.... Pour se venger à leur tour, avant chaque bataille, ils levaient leurs majeurs et les tendaient (dos de la main en avant) vers les lignes françaises en leur criant: "venez donc les chercher!", ce qui avait bien évidemment pour résultat de faire enrager les français qui n'avaient pas vraiment besoin de ça.....
Enfin. Voila l'origine (parmi d'autres) de ce symbole usé jusqu'à la corde et ne signifiant plus rien pour personne....


On voit parfaitement ici le rôle important du majeur dans la tension de la corde

Voila donc quelques gestes qui existent toujours, mais dont le sens, tourné et retourné, a fini par se perdre et qui signifient tout autre chose que ce pourquoi ils ont été créés....
Désormais, lorsque vous les utiliserez, pensez à ce que vous dites réellement et expliquez en la signification à votre auditoire. Qui sait, peut être cela leur plaira t-il...