"La lâcheté tend à projeter sur les autres la responsabilité qu'on refuse."

Day 595, 12:39 Published in France Iran by Rotten.ImmOrtal

Je joue pour m'évader. Pour que l'énergie qu'il me reste après le boulot et les amis soit investie dans une activité qui me donne satisfaction et me permette de penser à autre chose que la réalité.
eRep en lui-même est un jeu intéressant mais on en fait le tour en moins de six mois. Si je suis resté, c'était par affection et sympathie pour la communauté, et parce que j'aime me mettre au service des autres.

Je ne veux pas le pouvoir. L'avoir éprouvé une fois, pour pouvoir se dire "ok j'ai essayé ça aussi", c'était à faire, et ce fut fait il y a longtemps. Par la suite, je n'ai fait que me mettre au service de mon pays, dans l'ombre aussi souvent que possible, au vu de tous lorsqu'il fallait quelqu'un pour servir de bouclier.
Je suis plutôt résistant aux attaques, aux agressions, aux insultes. Je ne tourne jamais le dos à un débat, même acharné. Je n'ai jamais espéré aucune gratitude, et même l'ingratitude me paraît inévitable - nul n'est prophète en son pays. J'ai aussi fini par faire une croix sur le respect que je pensais être en droit d'attendre au même titre que n'importe quel citoyen; cracher son venin protégé derrière un écran est si facile pour les lâches, il leur faut des cibles et j'en suis une idéale.

M'accomoder de la présence d'individus détestables n'est pas un problème. On ne peut pas tous s'entendre, et il est notoire que les amours et les haines s'enflamment d'autant plus vite lorsque la présence physique n'est pas là pour rappeler au cerveau les règles élémentaires du contrôle de l'ego.
Jouer aux côtés d'escrocs, de voleurs, de parfaits salopards, ça me semble normal. Tout l'intérêt d'eRep réside dans le fait de jouer en équipe avec des gens que l'on n'a pas choisis. Ce n'est pas parce que je suis un idéaliste (c'est à dire une personne qui aide les autres à prospérer, selon Ford) que je dois exiger la même philosophie de mes coéquipiers. S'ils ne pensent qu'à leur nombril, s'ils veulent détourner l'argent public, s'ils veulent escroquer les jeunes pour s'enrichir davantage, je dois faire avec. Je me réserve tout de même le droit de sourire quand je lis des "cours d'économie" prodigués par des joueurs qui achètent du gold chaque semaine et se gaussent du nombre de baby-entreprises qu'ils réussissent à couler par leurs manoeuvres.
Accepter l'expression bruyante de quelques dizaines de rageux, là encore, ce n'est que justice. Dans la vie de tous les jours aussi, certains se complaisent dans la critique, l'opposition au pouvoir, le rejet de tout ce qui peut ressembler à de la réussite (typiquement français, ça), le mépris de l'autorité, le déni de l'existence de règles structurelles, le goût pour les théories du complot, la fascination pour les idéologies fumeuses, le suivisme béat de quelque gourou bavard de passage...
J'ai souvent cherché à débattre avec ces joueurs, car j'ai constaté (irl) comme il était facile de leur retourner le cerveau comme une chaussette en les mettant face à leurs contradictions. Mais le Net est le royaume des lâches, et nul n'est tenu de répondre aux débats. Il suffit de laisser passer l'orage et de compter sur la courte mémoire collective pour revenir tout luisant de bile fraîche et pétaradant de critiques démagogiques 48 heures avant chaque élection.

La plupart des gouvernants (en eFrance comme ailleurs) se bornent à ignorer les roquets et à contenir l'ambition des nombrils-sur-pattes; certains font le choix d'abandonner le pouvoir un mois ou deux à ces individus pour que la population constate leurs réelles intentions et les conséquences en résultant. Quelques anciens d'eFrance ont fait ce choix, une fois, à l'automne dernier, et le pays a été "vacciné" pendant six bons mois. Mais comment exiger des joueurs nés après cette date de ne pas commettre les mêmes erreurs ? Faut-il prendre le risque de tout perdre ?
Avant-hier, trois alternatives se proposaient à l'eFrance.
1) céder au chantage d'un joueur isolé qui exigeait un ministère bien précis, celui de la Défense. Au regard de ses compétences supposées, l'Economie lui avait été offerte, mais ce joueur avait juré, devant témoins sur irc, de "faire tomber la tête" du MinDef actuel (et je vous épargne l'intégralité de ses propos, hormis "j'ai tout fait pour avoir ce poste, vous allez me payer ça" et "ça y est tu fais dans ton pantalon ?") - tout cela parce qu'il avait été rapidement remplacé à son poste de CEMLE pour refus d'appliquer le règlement de la Légion et incompétence...
La paix sociale (ou plutôt son simulacre hypocrite) aurait voulu que Mavie75 cède au caprice d'un coquelet vexé. Ayant pleinement connaissance des qualités et des défauts de cet individu, elle a refusé.
2) proposer un gouvernement d'union nationale et n'appeler PEACE au secours qu'une fois le consensus établi. Les propositions formulées par Mavie75 "offraient" la majorité des ministères au PK et à la Moule, le CA et le PSD (les partis les plus conciliants dès le départ) se satisfaisant de la portion congrue. Après une dizaine d'heures de négociations, cette proposition se heurtait à l'hostilité des deux partis "favorisés".
Mavie75 aurait pu laisser courir, et ne pas demander d'aide à PEACE avant le 6 au matin, voire pas du tout. Notre pays aurait alors été rayé de la carte.
Ceux qui se croient assez malins pour dire "c'eut été un moindre mal, au moins on aurait tous été unis pour retrouver notre liberté" sont totalement inconscients de la réalité d'une occupation totale par le pays le plus peuplé de l'eMonde. Lorsqu'une nation est ainsi phagocytée, le scénario est toujours le même: les "bons" joueurs s'en vont, ceux qui faisaient vivre la communauté et brillaient par leur pondération et leur clairvoyance... et ne restent plus que les extrémistes, les fachos de tous poils, seuls capables de rameuter quelques centaines de mordus pour arracher un premier lopin de terre à l'occupant, puis un autre. Une fois libre, le pays est majoritairement peuplé de ces excités, ultra-nationalistes fortement colorés IRL, et l'espoir de rebâtir une communauté ouverte et accueillante est bien mince.
Je ne crois pas qu'il soit acceptable pour un représentant politique de faire ce choix.
3) proposer un gouvernement d'union nationale, dialoguer pendant des heures, puis prendre ses responsabilités lorsque le débat n'avance plus.

J'ai découvert comme vous la teneur des échanges lors de ces négociations puisque je n'y prenais pas part (n'en déplaise à ceux qui m'imaginent derrière chaque porte entrebâillée). J'ai été affligé (mais pas surpris...) de la médiocrité des débats. Trop de bonne volonté d'un côté (puis un gros raz-le-bol), et de l'hésitation, de la bureaucratie, de l'ambition déplacée ou (sans doute le plus grave) un certain j'm'en-foutisme de l'autre.
Certains tentent désespérément de masquer la misère de leurs actes et de leurs propos en ressortant leur bonne vieille tête de turc: moi. A les entendre, j'aurais fait capoter cette négociation sans y être. A les entendre, je serais responsable de l'absence de procédure ATO alors que j'étais CEMLE (et donc détaché des débats politiques). A les entendre, j'aurais ourdi un formidable complot avec mes tristes acolytes de PEACE pour orchestrer un coup d'état en eFrance et faire élire Mavie75, assurément vouée à la défaite malgré son avance notable.
Il y a des limites à la lâcheté tolérable. Personnellement, je me moque de leurs accusations et j'ignore les hyènes. Mais j'aurais espéré un minimum d'honnêteté et de courage de la part du reste de la population.

Que ceux qui ont des mois d'incompétence et de malhonnêteté derrière eux se ruent sur un punching-ball pour se donner des airs et distraire leurs troupes, passe encore. "C'est une lâcheté bien commune que celle d'immoler un bon homme à l'amusement des autres", disait Diderot. Mais je n'accepte pas que cette lâcheté soit si générale. J'en ai plus qu'assez de recevoir des "messages de soutien" en cachette.
C'est bien gentil de me chuchoter "ignore ces cons", "on sait tous que meza préfèrerait les macdo au psd" ou "même au pk on sait qu'ivan a un ego démesuré", mais vous aussi, vous êtes lâches. Ce n'est pas parce que les hyènes sont derrière un écran que leurs ricanements ne portent pas.

Pendant des mois, j'ai vu bien assez de démonstrations de valeur et de courage de la part de mes coéquipiers pour que l'expérience de jeu soit un réel plaisir et justifie le temps passé à faire le bouche-trou. Rien de péjoratif pour moi dans ce terme: aucun gouvernement efficace ne peut fonctionner sans homme (ou femme) à tout faire. Il faut quelqu'un qui compense les absences et les erreurs de ses collègues, pour le résultat uniquement et pas pour un titre ronflant ou des louanges. Le temps passé à ce rôle plutôt ingrat trouvait sa justification dans l'estime que j'avais pour la communauté.
Cette estime n'a fait que décroître ces dernières semaines. Certains joueurs de grande valeur humaine sont partis, d'autres se voient noyés dans la masse des moutons et la saturation du forum. Au final, la lucidité, le franc-parler, l'audace, le dévouement se font de plus en plus rares. Ceux qui en avaient fait la preuve pendant des mois sont découragés, usés, et je ne trouve plus rien à leur dire pour leur redonner de la motivation. Moi-même je n'en ai plus.

Je n'avais déjà pas de rôle politique en juin; mon seul poste officiel, CEMLE, échoit à Sphax, il l'assumera avec bien plus d'autorité et d'intransigeance que moi, sans doute, et je l'en félicite d'avance. Pour le reste, puisque certains sont incapables de voir la réalité en face, je vais m'exiler loin de l'eFrance, en mode 2 clics par jour. Que les hyènes cachent leur joie: elles n'auront plus aucun épouvantail derrière lequel se cacher lorsqu'elles auront du sang sur les babines.

Il faudra qu'elles se trouvent un autre bouc-émissaire. Bon courage à ceux qui restent.