Petites Histoires du XIXéme [N°1]

Day 3,595, 07:14 Published in France France by Leopold de Velaine



Pascaline Fouchard dite "la Veuve de Glace"



La nuit et la neige tombaient sur le faubourg Saint-Marcel. Toutes les rues du quartier étaient désertes à l’exception de la rue Mouffetard où se trouvaient la manufacture des Gobelins ainsi que la pension « Napoléonienne », que le tenancier avait gagnée lors d'un duel à l'épée contre son rival et ancien propriétaire de l'établissement Jacques Martin, devant laquelle s'attroupaient les clients. Des ouvriers de la manufacture et des bouchers des abattoir de Villejuif, pour la plupart, retournaient à la pension pour le souper. Quant aux autres, ils se pressaient pour les « grisettes » que le tenancier cachait dans l'arrière-cour et dans l'entrepôt de la pension. Le tenancier était un vieil homme connu sous le nom du Vieux Joseph. En réalité, il se nommait Joseph Roger et était un ancien officier de police à la retraite. Il avait grandit dans les quartiers chics de Paris. Son père était un homme d'affaire, il vendait des armes à l'armée du Roi. Durant la révolution de 1848, son père fut fusillé devant lui et il en fut de même pour sa mère qui tenta de le défendre. Suite à cet événement tragique, il décida de s’exiler dans le faubourg Saint-Marcel pour fuir l'impartialité des révolutionnaires. Une fois arrivé au faubourg, il devint l'homme que l'on connaît cupide comme une hyène et avare comme un Harpagon. Il se trouvait dans son bureau, penché sur une table à compter le bénéfice du jour, sa pipe à la bouche. Le bureau était une pièce lugubre, sentant le tabac froid, et il était synonyme de sueur froide pour les pensionnaires. En effet, si un pensionnaire était convoqué dans cette pièce, il ne pouvait en sortir qu'avec des larmes et sans le sou. Le tenancier se tourna quand deux gendarmes entrèrent dans le bureau. Ils n'étaient pas là pour les « grisettes », il était au courant de ceci, ils gagnaient même leurs parts du gâteau dans cette affaire.
Non, ils étaient là pour Pascaline, une ancienne infirmière de l’Hôpital de Lourcine, qui ne pouvait plus payer la chambre depuis la disparition tragique de son mari lors la campagne d'Italie en 1859.


Quelques minutes après l'entrée des gendarmes, Pascaline pénétra dans le bureau. Les deux officiers retirèrent leurs chapeaux. Ils n’étaient pas fières de ce qu'ils allaient faire mais l'hiver était rude et le vieil homme payait, ce qui était rare. Pascaline dévisagea Joseph du regard, ses yeux semblait voguer sur les traits du visage du malhonnête, de son crâne chauve à sa moustache plus entretenue que ne pouvait être les chambres de sa pension lugubre. Elle compris ce pourquoi elle était là. Le vieux Joseph se leva et elle commençât aussitôt sa plaidoirie. Il était impassible, les gens du faubourg ne le nommait pas « Le Vieux Dragon » pour rien, il défendait coûte que coûte ses biens et sa fortune. Pascaline, perdant tous ses moyens, commençait à vociférer, brisant un encrier au passage, lançant des insultes au mauvais homme qui ne l'avait que trop longtemps maltraitée. Les gendarmes se jetèrent sur elle et l'immobilisèrent. Joseph, enragé par la destruction de l'encrier, déposséda Pascaline de tout ses bijoux. Une fois détroussée de tout ces biens et rouée de coup par la maréchaussée, Pascaline fut jetée dehors, à moitié dénudée, dans la nuit froide et lugubre, tandis que Joseph estimait la valeur des bijoux de la pauvre femme dans son coffre-fort secret, dans la cave de la pension. Quelques jours plus tard, Pascaline fut retrouvée recroquevillée dans une ruelle, morte de froid.

- Leopold "de Velaine" Mirabeau