Ce qu’est devenue HYDRA depuis le départ de la France

Day 4,368, 11:51 Published in France France by Dhelk


Mon souffle produisait un petit nuage vaporeux au contact de l'air frais de l'automne. Depuis le dernier étage du beffroi de la Cathédrale de Vilnius, j'observais le soleil disparaître paisiblement derrière l'horizon, projetant sur la ville des rayons de lumière rose. Plus bas, sur la place blanche, de petites silhouettes se dispersaient peu à peu, regagnant les ruelles du centre-ville de part et d'autre de la Neris. Dans mon dos, le grincement métallique d'une porte que l'on ouvre. Le bruit de bottes contre les dalles indiquait que quelqu’un approchait. Un homme vint se tenir à ma hauteur. Il posa sa main droite contre la rambarde. La faible lumière du soleil couchant se refléta dans l’imposante chevalière qu’il arborait à son index : elle représentait une hydre à trois têtes. Au contact du métal froid, elle provoqua un cliquetis aigu. Je l’observai du coin de l’oeil : le visage altier, la barbe soigneusement taillée en pointe, il balayait l'horizon du regard. Une épaisse cape en fourrure recouvrait ses épaules, tombant jusqu’au sol. À sa ceinture, un fourreau duquel émergeait la garde dorée d’une courte dague.

"Je n’ai pas souvenir de ne m’être jamais lassé de cette vue”.

J'esquissai un sourire d'approbation.

"Merci d'avoir accepté de me rencontrer, Lord Garlan.





- C’est tout naturel. Qu’un journaliste français s’intéresse à HYDRA, quelques semaines après votre départ très médiatisé de l’alliance, m’a quelque peu intrigué.”
Il marqua une pause.

“Avez-vous voté ?”

“J’ai voté”.


La concision de ma réponse lui parut suffisamment explicite.

“Vous savez, on ne peut contraindre des nations à coopérer. Il arrive que les intérêts varient”.

Ses yeux se détachèrent de l’horizon et il pivota dans ma direction. Son visage exprimait une certaine bonhomie.

“Comment se porte HYDRA depuis le départ de la France, Lord ? demandai-je.”

L’expression de son visage changea dans une crispation imperceptible, comme s’il tâchait de se remémorer chaque jour depuis que l’hydre avait perdu l’une de ses têtes. Il inspira profondément.

“Ma foi, l’alliance est stable, nous regagnons peu à peu en puissance. La Macédoine est finalement parvenue à se libérer, au prix de nombreux efforts. Notre coopération avec Asteria a également porté ses fruits.

- HYDRA et Asteria coopèrent ?

- Bien entendu. Nous échangeons régulièrement des régions dans les Balkans, organisons des guerres d’entraînement afin de faire progresser nos troupes. Je crois sincèrement que nous sommes dans la bonne voie…”


Il souriait à présent d’un air franc et paisible, sa lèvre supérieure disparaissant sous sa moustache fournie. Ses yeux perçants scrutèrent mon visage et semblèrent y déceler la question que je m’apprêtais à lui poser.

“Vous serez peut-être déçu d’apprendre que le départ de votre pays n’a pas eu la moindre répercussion sur notre alliance.

- Pas la moindre ?

- Pas la moindre. Je pourrais me targuer de vous dire que cela nous a encore soudé davantage, mais la Macédoine, la Lituanie et la Lettonie sont de vieux alliés, coutumiers d’un travail conjoint depuis de nombreuses années. Il y a ni une plus grande cohésion ni aucun défaitisme depuis votre départ. Nous poursuivons tout simplement notre chemin.”


Il s’approcha de nouveau de la rambarde et se pencha en avant. Il me fit signe de l’imiter, d’un petit mouvement de tête. Je m’exécutai.

“Vous voyez les quelques carreaux au pied du beffroi, monsieur Dhelk ?”

J’opinai, tout en maintenant fermement mon feutre afin d’éviter qu’il ne soit happé par les bourrasques lituaniennes l’attirant avec insistance vers la noirceur nocturne.

“Allons les observer de plus près, dit Lord Garlan d’un ton enjoué.”

Il dévalait les escaliers du beffroi deux à deux, nullement importuné par la lourde cape flottant derrière lui. Lorsque je poussai la porte métallique donnant sur la place, claudiquant, il était déjà accroupi, la main délicatement posée sur un carreau sur lequel était tracé un mystérieux symbole.

“Monsieur Dhelk, voyez-vous, il y a quelques années, une grande marche a débuté à Riga. Des citoyens baltes, majoritairement Lettons et Lituaniens, ont pris la route afin de fédérer leurs compatriotes contre l’occupation que nous subissions. Ils partirent une poignée, mais arrivèrent un millier à cet exact endroit, au pied de ce beffroi. Devenus frères, ils prirent les armes et se libérèrent du joug de l’envahisseur. Ce lien puissant, nous l’avons noué également avec nos amis macédoniens. C’est cette force, qui vit en HYDRA.”

Il se redressa, s’approcha et apposa sa main droite sur mon épaule.

“Nous ne sommes ni les plus puissants ni les plus nombreux. Mais nous sommes déterminés, fidèles et épris de liberté. Et nous combattrons ensemble afin que vive une troisième voie, en dehors de CODE et Asteria.”

Lord Garlan me gratifia d’une tape amicale sur l’épaule, puis tourna les talons. Alors que l’obscurité dévorait les dernières taches lumineuses de la place, il se retourna.

“Marchez, peuple français, marchez. Et puissiez-vous parvenir des milliers, sans vous diviser”.