Lettres de mon Danube

Day 1,620, 04:49 Published in Romania Republic of Moldova by Mitzoi
Si vous voulez...

Chère Adeline,


5 années sont passées depuis notre dernier café dans le coin de la petite boutique de notre rue. Ces jours-ci, une histoire qui m`a émue d`une manière inimaginable et surprenante m`a apporté les souvenirs lointains des jours passés et impossible à vivre encore. J`ai honte de ne t`avoir écrit plus tôt, de n`avoir essayé de faire nos pensées voler de nouveau au-dessous des nouages, regarder aux autres avec le sourire de la tolérance humaine toujours présent sur les lèvres de la jeunesse. J`ai honte et je frémis en pensant à l`oubli complet auquel je me suis si volontairement soumise ces dernières années.

Tu te rappelles-toi, lorsque nous étions jeunes, les jours d`été passés au bord du Danube dans notre si chère ville? Nous nous demandions alors qui était la nouvelle victime réclamée par le tyran, le fleuve qui m`effrayait tellement. Ton courage a toujours su élever en moi l`espoir de l`avenir. Et maintenant, après avoir appris à marcher, l`avenir me semble aussi lointain qu`alors. Je n`ai plus le passé et le futur m`échappe. L`eau coulant parmi nos jambes avec tant de souvenirs des villes qu`elle traversait. Les gouttes pleines de lumière dorée nous éloignaient du monde de Schopenhauer et Heine que nous tentions parcourir. Tu te rappelles le soleil? Moi, je ne peux plus. Le monde que j`habite maintenant en est dépourvu.

J`avais 16 ans. Le monde était à moi. Tu avais 15 et ton sourire dessinait le monde. Et nous étions heureuses, pensant que rien ne va changer et que nous étions le centre de ce monde que je maudis maintenant, mais que nous bénissions alors.

Oui, je t`écris maintenant pour te dire que le monde n`est pas comme nous nous l`imaginions. Il est distant et glacé. Dans mon âme. Pourtant, je sens le courage me quitter et je n`ose plus t`écrire sur tout cela. Ce n`est pas pour me lamenter que je t`écris...

Je me rappelle notre dernier café. Nous étions toujours gaies et l`espoir était dans tes yeux, sur mes lèvres. 5 années. C`est presqu`une vie. Et nous étions jeunes. « Je t`appelle samedi ! » tu m`avais dit et je pensais déjà au monde virtuel suivant que je voulais expérimenter le soir-même.

Quoi te dire maintenant? Que j`étais sotte? Folle d`avoir pensé que ce nouveau monde puisse remplacer une âme? Ton âme? Nul cri désespéré ne pourra atteindre ton monde actuel. Nul regret ne remplacera notre ancien monde, nos rêves, nos espoirs surgissant des âmes d`enfants.

Peut-être te trouves-tu derrière moi maintenant et que tu lisses les mots surgissant d`une âme vidée. Peut-être non et que mes mots te joindront dans le soleil.

Écris-moi…Appelles-moi… Car toute seule, je n`ose pas venir.

M