A l'ombre des propagandes en fleurs, l'échec du « modèle social » d'intégration

Day 1,118, 02:00 Published in France France by Ivan Dusaiks


L'état aime et chérit sa main d'œuvre, du berceau au cimetière.


Il est certains instants de folie où l'envie nous prend de jeter un œil – et en l'occurrence, cela équivaut grossièrement à le jeter à la poubelle – sur l'état des journaux français. Si l'on exclut l'article ouin-ouin et autres reniflements de cœur gros quoique indifférent, de pure convenance, reste quelque chose d'autrement plus distrayant : nous nous réjouissons, tels de jeunes retraités innocents, d'avoir attiré de nouveaux prépubères et coupables thaïlandais dans la cave de notre hôtel erepublikain.

En elle-même, la scène n'a rien de vraiment inhabituel, puisqu'il ne s'agit que de la dixième tentative, ou peu s'en faut, mais il semble qu'après tant de déboires, tant d'échecs, nous n'ayons toujours pas fait hara-kiri des recettes qui ont mené à ceux-ci.

Pour mémoire, la première tentative d'envergure eut lieu au cours de du printemps 2009. A l'époque, le petit pays France passe de 1000 habitants à 3 ou 4000 en quelques jours. Il y a bien entendu quelques pertes, mais il y a de la place, les autres s'installent et font leurs petites affaires. Cependant, l'échec relatif est étudié, disséqué, et l'on se demande pourquoi certains ne demeurent pas dans notre cave, le cœur lourd des golds qui nous ont ainsi échappé, et la réponse est sans appel. Pas assez d'état ! Pas assez d'encadrement ! Plus de discipline, d'honneur, de patriotisme, bref, plus de ces Vertus éminemment modernes et parlant directement aux tripes de tout individu normalement constitué du 21e siècle... C'est ainsi qu'il fut décidé de plus d'attention, de plus de suivi, pour la deuxième, et véritable tentative, de l'été 2009, sous forme de parrains-fonctionnaires au service de l'état, afin de suivre les nouveaux du berceau au cercueil, et si possible de leur éviter ce dernier par tout l'amour et l'affection dont sont capable nos chers et braves français dévoués à notre Mère Patrie. Avec le résultat que l'on sait, puisque quelques mois ou morts plus tard, il ne restait plus que la bagatelle de 10% des nouvelles recrues.

La question fit et fait probablement encore le malheur des think tanks, qui, pour reprendre une expression maladroite, n'ont guère changé de logiciel depuis cette première débâcle et la déploration du manque d'encadrement, puisque pour ne pas changer, on ressort les images de bébés piquées sur les comptes photobucket de futures bonne-femmes en devenir qui ne jurent que par leur marmaille pour illustrer de grands appels aux nobles sentiments du tutorat, pour tenir la main du nouveau et lui faire franchir les flammes de l'infâme abandon. Prédisons leur la faillite, sans grande nécessité de boule de cristal achetée au temps glorieux des magasins Mammouth.

Peut-être qu'un jour nous assisterons à une véritable évolution. Bien que fort improbable, il reste toutefois possible qu'un jour, nous cessions d'admirer tels des gosses devant un bonbon le modèle centre-européen comme d'autres admirent avec une ferveur confinant au fanatisme primaire l'Allemagne pour justifier à peu près tout et n'importe quoi. La Hongrie est in-game une société très disciplinée, ce qui les fait gagner, ce qui fait qu'ils sont ou ont été les meilleurs, la Serbie est un seul corps au service de ses ambitions nationales, sus aux voix dissidentes, bla, bla, bla... Ces affirmations furent tellement rebattues que le modèle fut oublié et que nous fîmes nôtres ces préceptes décrétés victorieux. Du moins, victorieux pour les rares joueurs qui aiment obéir, servir, ou la génuflexion, et autres joyeuseté digne de l'épître aux Corinthiens, et puisque l'écrasante majorité des survivants reste encore dans cette perspective, étant donné que nous avons attiré ces mouches avec ce même vinaigre, du bien-fondé d'un jeu centré exclusivement sur son armée disciplinée et servile, il est fort peu probable qu'une remise en question surgisse sans accrocs.

Deux grandes possibilités se dessinent : poursuivre sur le modèle centre-européen où les consignes et l'obéissance priment (promis, je ne ferai pas de blague de mauvais goût sur l'héritage culturel du communisme stalinien en Europe centrale), en clair, l'armée romaine, bête mais disciplinée, ou un modèle libertaire de participation choisie appuyée par des moyens d'état en fonction de la motivation, participation purement optionnelle, contractuelle, donc pas sans engagement, mais choisie, et jouée sur le mode de la gratification ; au taux de rendement incertain mais déjà nettement plus conforme à la définition ludique du jeu, dont je doute que l'attente principale soit de recevoir des « ordres » sous peine d'exclusion définitive, autrement dit, une sorte d'armée barbare, où le nombre l'emporte sur la fameuse soumission.

Il est clair que pour nous hisser de quelques rangs sur la grande échelle de la population, nous devrons abandonner d'urgence ces notions d'encadrement à tout prix et d'intégration au sein d'un modèle reposant uniquement sur le sacrifice du jeu sur l'autel d'une victoire incertaine, et que nos chères élites abandonnent la mentalité de sergents qui habite si fermement l'esprit de nombre d'anciens ou actuels membres de gouvernement. Car pour grandir, loin des fiches de pointage et de l'endoctrinement hongrois, il faudra bien se faire à l'idée d'incertitude, de fait de liberté.


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