Le tombeau du fond des âges

Day 4,074, 09:00 Published in France Brazil by Guanaraba

Le tombeau du fond des âges

Le désert s'étendait à perte de vue, au loin la ligne d'horizon se brouillait, se distordait sous l'effet de la chaleur. Ahmed n'en pouvait plus, des heures de marche sous un soleil de plomb avait réduit à néant sa volonté.

- C'est encore loin ?

Rachid marqua un temps d’arrêt avant de répondre, lui aussi était exténué par la longue marche.

- Non je ne crois pas, le professeur Taylor a été formel sur l'endroit, c'est bien dans ce secteur que sa fille a disparu. Impossible pour autant d'identifier clairement notre position, il n'y a nulle carte ici.

- Hmmm, autant dire que nous sommes perdu … Si tu veux mon avis c'est une grave erreur que nous avons commis là, le vieil homme peut bien être désespéré et pleins au as, quelle que soit la récompense qu'il nous offrira pour retrouver sa fille je doute qu'elle soit supérieure à nos vies... Le désert ne pardonne pas Rachid.

Comme pour confirmer ses paroles, un souffle chaud se leva soulevant à l'horizon d'épais grains de sable. Au fur et à mesure que la tempête s’approchait, le vent soufflait de plus en en plus fort, de plus en violemment.

- On ne peut pas rester là Rachid ! Rachid ?! Tu m'entends ? Rachid !!!!

Ahmed avait beau hurler, s’époumoner, son frère avait bel et bien disparu, volatilisé brutalement, sans même qu'il s'en aperçoive. Le sable lui giflait le visage, l'empêchait de voir et de respirer, ses cris de désespoir se perdaient au plus profond de la tempête. Aveugle et à bout de force le jeune touareg tomba brutalement dans une crevasse. La chute fut rude, fort heureusement il ne se cassa aucun membre.

Ahmed se redressa, le trou semblait profond, en tous cas suffisamment pour être plongé dans le noir complet. Il palpa à taton la poche de son pantalon et en sortie une petite lampe électrique. La lumière était fort faible mais suffisante pour éclairer les environs. La cavité semblait plus profonde qu'elle n'y paraissait, un tunnel était grossièrement taillé dans la roche, assez large pour passer à quatre pattes. « Après tout, pourquoi ne pas le suivre, peut être que Rachid est lui aussi tombé ici et a suivi cette direction » songea t-il. Après mur réflexion, le jeune homme entreprit de s'engager dans le tunnel. Celui ci semblait s'enfoncer sous terre, de plus en plus loin, de plus en plus profondément. Au fur et à mesure qu'Ahmed avançait l'air était de plus en plus rare, de plus en plus chaud. Le trajet semblait interminable. A maintes reprises le jeune homme hésita à rebrousser chemin, sans pour autant s'y résoudre.

Le tunnel semblait enfin se terminer. Ahmed était harassé, épuisé par ces événements, par toutes ces heures de marche. Ce qu'il vit le réveilla soudainement …

Le corridor déboucha sur une petite pièce d'une dizaine de mètres carré, grossièrement taillée dans la roche. Ahmed éclaira les lieux avec sa lampe de poche. La faible lumière pâle dévoila les environs … Le jeune homme écarquilla les yeux d'étonnement et de stupeur. Au fond de la pièce, se trouvait une pierre tombale, une vieille pierre tombale taillée grossièrement à même le sol, elle paraissait si vieille, si ancienne … Il s'approcha, ne vit ni nom, ni dates, pas la moindre inscription n'y demeurait. Il y avait quelque chose d'étrange dans cette tombe, quelque chose de fascinant et terrifiant à la fois … Son instinct lui criait de rebrousser chemin, lui hurlait de quitter cet endroit maudit. Mais sa curiosité était trop intense, avec précaution le jeune homme entreprit de soulever la pierre. Celle ci se souleva d'un bruit sourd, non sans difficultés. L'ouverture dévoila un trou béant, un vide sans fin ... Un souffle chaud s'en échappait, un souffle intense, irrespirable. Ahmed tendit l'oreille il y avait des cris qui émanaient du fond du gouffre, des cris de haine et de rage, de douleur et de colère, des hurlements déments, des hurlements fous … La folie … La haine ... Le mal absolu …

Ahmed se rua vers la sortie de la pièce. Dans sa fuite il ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil par dessus son épaule. La stèle était toujours ouverte, une épaisse brume blanche s'en échappait … Trop tard pour la refermer … Il courrait, courrait à toute jambe, s’égratignait les mollets contre le sol rocheux, se cognait à maintes reprises la tête contre le plafond du tunnel, les cris ne semblaient pas pour autant s'éloigner au contraire … Ceux ci semblaient de plus en plus intenses, de plus en plus stridents, de plus en plus fous… Des cris décharnés, d'une puissance inouïe. Le jeune homme paniqua, ses muscles se durcirent, sa raison commençait à flancher. Il devait fuir, fuir de cet endroit au plus vite, fuir, s'échapper à tout prix ! Le diable, il en était persuadé, ça ne pouvait qu'être cela, le mal absolu demeurait en ces lieux ! Cette pierre tombale, sans inscriptions, sans dates, cette tombe datant du fond des âges, perdue au fin fond du désert, ça ne pouvait qu'être cela … La tombe de Satan … Il devait fuir, fuir, fuir … Les cris se rapprochaient, inexorablement, de plus en plus bruyants, d'une brutalité inouïe. Ceux ci lui vrillant les tympans, il sentit son cerveau battre dans sa tête, prêt à exploser, il sentit l'espoir se consumer, sa raison vriller. Il trébucha, sa lampe tomba brutalement sur la roche … L'ampoule s'éteignit …