Au plus noir de la nuit

Day 4,100, 14:22 Published in France Brazil by Guanaraba

Au plus noir de la nuit

Hector regardait fixement le corps inerte gisant au sol. Les cheveux emmêlés du cadavre laissaient entrevoir un visage meurtri, d’une très grande pâleur, celui d’une jeune femme d’une vingtaine d’années tout au plus. On pouvait deviner que les traits de son visage étaient jadis d’une grande beauté bien que figés par la mort, abimés par le temps et la décomposition. Une puanteur infâme émanait des lieux. Hector ne parvint cependant pas à détacher le regard de cette masse inerte et vide de vie. L’expression figée sur le visage de la jeune femme avait quelque chose d’effrayant et captivant. Ses yeux éteints dégageaient une tristesse inouïe, une tristesse qui ne venait pas de ce monde, un gouffre dans lequel il n’y a pas de place pour la joie et la paix, pas de place pour les âmes des vivants.

Le corps gisait là, sur le monticule rocheux balayé par la pluie et le vent.

« Elle est morte. »

Hector sursauta, surpris de ne pas être seul dans un tel endroit. Le spectacle qu’il vit en se retournant lui fit rater un battement de cœur. En contre bas du monticule se tenait un enfant. En vérité il n’était pas sûr qu’il s’agissait bien d’un enfant.

Un individu de petite taille se tenait là, du gabarit d’une personne d’une dizaine d’année tout au plus. Mais avec la nuit et le déluge Hector ne parvint pas à distinguer son visage. L’enfant avait un aspect presque surnaturel, une silhouette frêle déchiquetée par le vent mais restant tout de même immobile malgré les bourrasques. Il ne savait pourquoi, il éprouvait un profond dégout à la vue de cet être. Malgré son aversion, Hector était obligé de demander de l’aide.

« On ne peut pas la laisser, il va falloir que tu m’aide ! Où est le village le plus proche ? »

L’enfant marqua un temps de pause avant de répondre d’une voix anormalement rauque pour son âge.

« Elle est morte. C’est moi qui l’ai tué. »

Hector le regarda stupéfait, avala sa salive avant de balbutier quelques mots « Tu… Tu l’as tué… Petit, tu l’as tué… ? »

La nuit si noire, se fit anormalement plus claire une fraction de seconde, laissant entrevoir davantage l’aspect de l’enfant. Hector écarquilla les yeux, sans voix, son estomac se noua, ses muscles se raidirent, incapable de faire le moindre mouvement, envahit par une peur ancestrale. Ce n’était pas un enfant, en vérité ce n’était probablement pas un être vivant. « L’être » avait le visage entièrement enroulé d’un ruban noir, ne laissant pas un centimètre de peau découvert. La puanteur des lieux semblait de plus en plus insoutenable, de plus en plus prégnante. Il émanait de cet être une sensation de danger éminent, quelque chose de contraire à la vie, de contraire à la nature.

Comme dans un cauchemar, « l’enfant » s’avança, si proche qu’Hector pouvait sentir son odeur de mort, de cadavres, de charnier.

« Elle m’a dit que j’étais fou… elle ne voulait plus jouer avec moi… je l’ai tuée… écoute moi Hector… Je vais te dire un secret… Ce monde… Il y a quelque chose que tu dois savoir de ce monde… »