Un dernier Baroud d'honneur

Day 3,161, 05:46 Published in France France by Pierre Alain

Une semaine plus tôt à Corleone...
C'était un soir d'été comme les autres en Sicile : après avoir passé l'après-midi à discuter à l'ombre des oliviers de Corleone, la chaleur retombée annonçait un regain d'activité.
Au programme du soir, un banal rendez-vous d'affaires afin d'apaiser les tensions avec le gang des Polonais. Loin de l’eFrance, loin de la police, loin de la justice.
Accompagné de mes deux acolytes anonymes, je partais pour "L'envers du décor", ce petit bar au nom évocateur situé à l’entrée du village.
Les Polonais étaient déjà sur place, et depuis un petit moment à en voir l'état de la bouteille de vodka posée au milieu de la table.
La courtoisie n'était pas leur fort, et à peine me suis-je assis qu’ils rentrèrent directement dans le sujet : "Tu en sais trop, PA".
Le bouillonnement de leur sang était palpable, et cette visite diplomatique allait rapidement tourner au carnage. Un carnage parmi tant d’autres en ces terres bannies de la paix de Dieu et constamment brûlées par le soleil.
Je n'étais pas venu seul pour pallier cette éventualité, et mes deux acolytes le savaient très bien.
L'Histoire ne retiendra pas qui a sorti son revoler ou sa batte en premier, mais les faits étaient bien là : "Cinq Polonais retrouvé morts à L'envers du décor" pouvait-on lire le lendemain matin dans la presse locale.
Je rendis visite au Padre pour lui relater ces faits, et bien qu'ayant échoué cette mission diplomatique, ses mots furent sages et bienveillants :
"Tu as fait du bon boulot, PA. Mais ces foutus Polonais ont sûrement raison sur un point : tu ferais mieux de prendre quelques vacances."
Je savais que de partir loin de la Famille me briserait le cœur, mais c'était la bonne décision. Comme me le dirait sûrement Milti s'il était encore en vie : "C’est là où la rivière est la plus profonde qu’elle fait le moins de bruit."

Une semaine déjà depuis cette discussion où le départ avait été annoncé. Aucun signe des Polonais, ils devaient sans doute préparer une riposte. Peu importe, on serait prêts. Le Padre avait transformé le petit salon à l'étage du bar Vitelli en bureau, et le ventilateur du plafond tournait à plein régime. "La chaleur tente désespérément de faire perdre la raison aux Siciliens", racontait un habitué du bar. "Mais nous restons toujours lucides. Il le faut par chez nous."
La lettre était parvenue jusque sur le bureau du Padre ce matin. Sur l'enveloppe, deux initiales, "PA" soulignées d'un trait net et vigoureux. Puis en-dessous, en plus petit, "A remettre au Padre". Frankiky avait attendu plusieurs minutes avant d'ouvrir cette enveloppe. Trop de souvenirs ressurgissaient en même temps. Enfin, il prit son ouvre-lettre et déchira minutieusement le haut de l'enveloppe. Il sortit la lettre et la lut lentement.


Accroché au dos de la lettre par un trombone noir, le carton d'invitation fraîchement imprimé.



NB : Du au retard de publication, le baroud est reporté au vendredi 22 juillet à partir de 15h ! Venez armés !

Voir aussi : Le petit Soldado