Episode 3 (fin) — Hommes d'honneur

Day 3,101, 11:42 Published in France France by Francis Sousbois

L'immeuble était tout le contraire de celui imaginé par Francis au cours du voyage. Loin d'être caché dans une ruelle, il donnait pignon sur une rue très fréquentée. Au lieu d'être dans un quartier populaire, il trônait dans un district cossu. Nullement dégradé, il venait de recevoir une nouvelle enveloppe de couleur. Seule cette couleur laissait à désirer, un jaune pâle flashy.

L'attaché-case que le mafieux lui avait laissé dans son manoir était devenu son attaché-case, contenant fau😜apiers en cas de besoin, papiers de protections juridiques diverses, extraits de journaux relatant les "exploits" passés de la Famille (par "exploits", nous entendrons des actes emplis de bravoure et d'honneur... pour qui sait les comprendre). Sa malette dans la main, Sousbois pénétra dans l'immeuble.

Quelques cendriers pleins reposaient sur les tables noircies des rédacteurs, donnant à l'ensemble, composé de luminaires rétro, de peintures des années 30 new-yorkaises et de vieux meubles, une véritable impression de retour dans le temps : les grandes heures de la mafia italo-américaine étaient à portée de main. Francis aperçut une table vide côté fenêtre portant l'écriteau Francis G. Sousbois, soldato - redattore di giornale. Décidément, l'occupant des lieux aimait mettre l'ambiance.

Un homme rond de petite taille s'approcha de Sousbois, qui venait de poser son manteau sur ce bureau qui était dorénavant le sien.
— Bonjour Monsieur Sousbois.
— Bonjour. Vous ne me tutoyez pas comme les autres ?
— C'est que je ne suis qu'associato, associé de la Famille. Je ne suis pas un membre à part entière.
— Et vous espérez le devenir, membre à part entière ?
— Eh bien, cela dépend si j'y suis forcé ou non. Je suis désormais votre assistant, Monsieur Sousbois. Je mettrai en forme vos articles, veillerai à ce que la typographie soit respectée, toutes ces bricoles que vos frères aiment tant.

— Gérard, mon ami !
La voix tonitruante qui venait de derrière eux les fit sursauter.
— C'est bon Gerardo, tu peux finir la mise en page dans la salle d'à côté.
Une fois le petit homme parti, Francis se retourna. Et vit un géant.
— Je suppose que tu es Francis, notre nouveau camarade de la rédaction ?
— Effectivement. Et vous... tu es ?
— Bertrand Legrand. Comme ça se prononce. Avec toutes les blagues qui tournent autour. Mais en général, une fois qu'on m'a vu, on ne se demande plus si je porte bien mon nom ou pas. Soit on garde ses remarques pour soi, soit on va chez le dentiste avec un cric entre les incisives.

Les deux hommes allèrent dans le bureau de Legrand. Un mobilier distingué, assez onéreux, digne d'un rédacteur de journal indépendant américain.
— Bien, que les choses soient claires. Tu es en test, soldato. Ne pense pas que tu as les clés de la maison. Tu as le paillasson pour l'instant.
— Je ne l'oublie pas.
— Bon, le travail maintenant. Ici c'est le coeur de la communication de la Famiglia. Tu seras chargé des relations avec les membres éminents que nous avons placé dans le Gouvernement et au Congrès. Tu interviewes, tu prends des notes, tu retranscris et tu redonnes à Gérard, le p'tit gros joufflu là-bas. Rien, rien ne doit paraître sans mon autorisation, je ne suis pas capo pour rien. Capito ?

Francis s'installa dans sa chaise inconfortable. Sa maîtrise du français l'avait conduit à exceller dans les plus prestigieuses écoles d'eFrance, et le voilà rédacteur dans un journal mafieux. Pas mal pour une vie normale de haut fonctionnaire énarque technocrate.
— Et n'oublie pas, soldato !
Francis sursauta.
— Ici, on est des uomini d'onore. Tu trahis ta Famille, tu en paies le prix.
— Pas de problème, je prends note.
— Bien.
Legrand sortit de la grande salle de rédaction, s'engouffra dans son bureau et ferma la porte. Après s'être étiré sur sa chaise qui, décidément, manquait de confort, Francis commença à lire les différentes notes éparpillées sur son bureau. A partir de maintenant, et comme le franco-rital vient de le dire, c'est tous pour un et un pour tous, pensa-t-il. J'espère quand même être payé, mes indemnités de haut fonctionnaire efrançais ne suffisent pas à mener grand train quand on est un Sousbois.

[C'était votre roman-feuilleton "SOUSBOIS VA DANS LA MAFIA". Désormais, au boulot pour La Cosca !]

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