Emmanuel Kant – Qu’est-ce que les Lumières? / What is Enlightenment? [FR/EN]

Day 2,121, 18:30 Published in Ireland Ireland by Damhnaic


Kant – Réponse à la question : Qu’est-ce que les lumières? [FR] (English bellow)

En décembre 1784, le philosophe allemand Emmanuel Kant répond à une question posée en janvier 1783 par le pasteur Zöllner dans la Berlinische Monatsschrift; « Qu’est-ce que les Lumières? (Was ist Aufklärung?) »

Il débute donc son texte par la définition de ce qu’il entend par Lumières (Aufklärung en Allemand), une attitude qui est commune chez les philosophes est de bien définir les concepts en premier lieu afin d’éviter la mésentente sur les termes. Selon lui, les lumières se définissent comme « […] la sortie de l’homme hors de l’état de minorité, où il se maintient par sa propre faute. ». Il considère donc un mineur celui ou celle qui est incapable de se servir de son entendement (faculté active de créer des concepts) sans être dirigé par un autre, par un manque de résolution et de courage. Il remarque aussi que la paresse et la lâcheté y jouent beaucoup lorsqu’il remarque que « Je ne suis pas obligé de penser, pourvu que je puisse payer; d’autres se chargeront pour moi de cette besogne fastidieuse. » Il donne pour exemple le livre qui tient lieu d’entendement, le directeur qui tient lieu de conscience et le médecin qui juge de mon régime.

D’un point de vue plus politique, les gens sont maintenus dans la minorité par des régimes qui en profitent. « Après avoir rendu tout d’abord stupide leur bétail domestique, et soigneusement pris garde que ces paisibles créatures ne puissent oser faire le moindre pas hors du parc où ils les ont enfermées, ils leur montrent ensuite le danger qu’il y aurait à essayer de marcher tout seul. » On parle donc de tuteurs politiques, des gens qui pensent pour les autres dans l’optique de veiller sur eux comme un berger veille sur ses moutons. Il est donc difficile pour un individu « mineur » de se sortir de cette embêtante situation, elle est devenue pour lui presque un état naturel à laquelle il est attaché. En effet, il est incapable de se servir de son entendement s’il n’a jamais pu l’essayer. Kant émet cependant l’idée selon laquelle il est possible à un public de s’éclairer par lui-même pourvu qu’on le laisse en liberté. Il fut d’ailleurs un grand défenseur de la République française après la révolution, bien qu’il ne fut pas d’accord avec l’idée de révolution (puisque selon lui un public ne peut accéder que lentement aux lumières, par une vraie réforme de la manière de penser et non par la perpétuation d’une grande masse irréfléchie).

« Or, pour répandre ces lumières, il n’est rien requis d’autre que la liberté; et à vrai dire la plus inoffensive de toutes les manifestations qui peuvent porter ce nom, à savoir celle de faire un usage public de sa raison dans tous les domaines. »

Ainsi, à savoir si nous vivons dans une époque éclairée, demandons-nous si la législation de nos pays nous permet l’usage public de notre propre raison, même si nos réflexions s’accompagnent d’une franche critique de la législation elle-même. Quant à moi, je vois tous les jours des gens qui sont maintenus dans une minorité servile devant les téléviseurs, devant les journaux, devant les « vendeurs d’opinions », les éditorialistes et les charlatans de toute espèce qui servent des opinions préconçues et n’encouragent pas les humains à user de leur entendement.

« Les hommes se dégagent eux-mêmes peu à peu de leur grossièreté, si seulement on se s’évertue pas à les y maintenir. »



Kant – An Answer to the Question: What is Enlightenment? [EN]

In December 1784, Emmanuel Kant, the famous German philosopher, answered a question asked in January 1783 by the clergyman Zöllner in Berlinische Monatsschrift; "What is Enlightenment? (Was ist Aufklärung?)"

He begins his text by defining what he means by the term "Enlightenment", referring to the commonly called “Age of Enlightenment”, or the “Age of Reason” (In French: Siècle des Lumières, in German: Aufklärung). Defining terms beforehand is a common way to begin texts in Philosophy, to ensure everyone is on the same wavelength. According to him, the Enlightenment is “man's emergence from his self-imposed nonage.” Nonage is a state where one’s unable to use his own understanding without being directed by another, by a lack of courage and resolution. He also note that laziness and cowardice also lead to nonage since “I have no need to think, if only I can pay; others will take care of that disagreeable business for me.” He gives the example of the book that thinks for me, the pastor who acts as my conscience, or the physician who prescribes my diet.

From a political point of view, the people are maintained in nonage by profiting regimes. “First, these guardians make their domestic cattle stupid and carefully prevent the docile creatures from taking a single step without the leading-strings to which they have fastened them. Then they show them the danger that would threaten them if they should try to walk by themselves.” We can thus speak of political guardians, who are thinking for the others, supervising them like a shepherd supervises his sheep. Such situation makes it difficult for individuals to work out of the nonage; it has almost become a natural state. After all, he can’t use his own understanding if he was never allowed to practice it. However, Kant expresses the idea that it is possible for the public to enlighten itself if only it is given freedom. After all, Kant expressed a lot of support and enthusiasm toward the French Republic following its revolution, even if he wasn’t agreeing with the idea of a revolution (according to him, the public can only enlighten itself slowly, by a true reformation of the thinking and not by continuation of a great unthinking mass).

”This enlightenment requires nothing but freedom--and the most innocent of all that may be called "freedom": freedom to make public use of one's reason in all matters.”

So, to know whether we live in an enlightened age or not, we can ask ourselves if the legislation of our countries allows us the public use of our reason, and even if our thoughts are expressed rudely against the legislation itself. As for me, I see everyday people who are kept into a subservient nonage in front of their television, reading newspapers, listening to the editorialists, all the kinds of charlatans that serve us preconceptions et keep the people from using their understanding.

When one does not deliberately attempt to keep men in barbarism, they will gradually work out of that condition by themselves.



Source des citations Françaises: Kant, Réponse à la question : qu'est-ce que les lumières?, trad. Par H. Wismann dans Oeuvres philosophiques, tome 2, publié sous la direction de F. Alquier, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1985, pp.
English quotes from: http://www.columbia.edu/acis/ets/CCREAD/etscc/kant.html

Affectueusement vôtre,


Previously publishe😛
*On the Importance of Smaller Parties, day 1982.
*Mediocrity of Leaders, day 1957.
*Liberty of Discussion in Democracy, day 1955.